Une inconduite policière porte atteinte à l’art. 8 Ch.can. et entraîne l’exclusion de la preuve en vertu de l’art. 24(2)

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R. c. Reilley, 2018 BCPC 362

Les policiers se présentent à la résidence de M. Liam Reilley après l’avoir identifié comme étant l’un des quatre auteurs de deux vols à main armée. M. Reilly fait alors l’objet d’une ordonnance de probation. Puisqu’il ne se présente pas à la porte de sa résidence aux fins du contrôle de son couvre-feu, l’un des policiers, l’agent Sinclair, entre par une porte coulissante non verrouillée à l’arrière, frappe à la porte de la chambre à coucher de M. Reilly et l’arrête. Les policiers effectuent ensuite une perquisition de la résidence afin de s’assurer de l’absence d’autres personnes sur les lieux et aperçoivent des éléments de preuve liés aux vols qualifiés.  Le juge de première instance conclut que la conduite de l’agent Sinclair porte atteinte à l’art. 8 Ch.can. à trois reprises : (1) lorsqu’il entre dans la résidence de M. Reilley; (2) lorsqu’il entre dans la chambre de M. Reilly pour l’arrêter et (3) lorsque la police effectue la perquisition après l’arrestation de M. Reilly. Le ministère public reconnaît ces trois violations constitutionnelles. Le juge de première instance refuse toutefois d’exclure les éléments de preuve saisis en vertu du par. 24(2) Ch.can.

Reilley c. R., 2020 BCCA 369

M. Reilly porte en appel les déclarations de culpabilité. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique concluent que le juge de première instance commet une erreur en considérant les comportements des policiers qui sont conformes à la Charte canadienne comme étant un facteur venant atténuer la gravité des autres violations constitutionnelles commises par l’agent Sinclair, et en soupesant incorrectement les facteurs énoncés dans l’arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32. Ce faisant, les juges majoritaires procèdent à une nouvelle analyse fondée sur le par. 24(2) Ch.can. et concluent qu’en dépit d’un intérêt impérieux dans l’instruction de l’affaire au fond, le fait d’admettre les éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

R. c. Reilly, 2021 CSC 38

Le juge Moldaver, j.c.s.c., prononce oralement le jugement suivant :

« Nous sommes d’avis de rejeter le présent pourvoi, essentiellement pour les motifs exhaustifs exposés par la juge Griffin au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel. Nous convenons que le juge du procès a fait erreur dans son analyse fondée sur le par. 24(2)de la Charte canadienne des droits et libertés en considérant comme un facteur atténuant les comportements policiers qui respectaient la Charte.

Nous convenons également que le juge du procès a fait erreur en procédant erronément à la mise en balance globale — la question de savoir si l’admission de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — dans le cadre des deux premiers facteurs énoncés dans R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353. Le texte de l’arrêt Grant est clair : cette mise en balance se fait à la fin (par. 85). Les juges doivent d’abord décider si chacun des trois facteurs milite en faveur de l’admission ou de l’exclusion de la preuve avant de se demander si — eu égard à l’ensemble des facteurs — l’admission de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Procéder à la mise en balance globale dans le cadre des deux premiers facteurs énoncés dans Grant a pour effet d’affaiblir tout pouvoir d’exclusion que pourraient avoir ces facteurs. Ce type d’analyse compromet l’objectif et l’application du par. 24(2).

Avec égards, toutefois, nous ne pouvons souscrire à la conclusion des juges majoritaires de la Cour d’appel selon laquelle le juge du procès a adéquatement tenu compte de l’ensemble de la conduite attentatoire pertinente de l’État dans le cadre du premier facteur énoncé dans Grant. Le premier juge a pris en considération les comportements attentatoires de l’État liés à seulement deux des trois violations de l’art. 8. L’omission de considérer la conduite de l’État qui a entraîné la troisième violation — la fouille des lieux à des fins sécuritaires — constituait une erreur. Indépendamment de la question de savoir si la troisième violation a ou non été causée par les deux premières, et du fait qu’elle a été considérée nécessaire dans la foulée de l’entrée illicite de l’agent Sinclair, il s’agissait néanmoins d’une violation des droits garantis à M. Reilly par l’art. 8 de la Charte et elle doit être examinée dans le cadre du premier facteur énoncé dans Grant. Les juges qui président des procès ne peuvent choisir quelles sont les conduites attentatoires de l’État pertinentes à prendre en considération. 

Le juge du procès a commis des erreurs qui ont obligé les juges majoritaires de la Cour d’appel à procéder à une nouvelle analyse fondée sur le part. 24(2). À notre avis, nous ne sommes pas incompétents pour examiner les erreurs dont serait entachée la nouvelle analyse qu’ont effectuée les juges majoritaires. Nous ne voyons aucune raison de modifier leur nouvelle analyse. En conséquence, nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi, et de confirmer l’exclusion de la preuve et la tenue d’un nouveau procès.»

Décision complète disponible ici.

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