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Règles entourant le contre-interrogatoire d’un témoin au sujet de ses déclarations antérieures incompatibles

M.D. c. R., 2022 QCCA 915

[78]  [L]’exigence d’équité envers le témoin, commune aux articles 10 et 11 de la Loi sur la preuve au Canada, vise à lui fournir l’occasion de bien comprendre l’incompatibilité alléguée et au besoin à lui rafraîchir la mémoire, tout en lui permettant de s’expliquer avant qu’une preuve de celle-ci ne soit présentée au juge des faits. La notion de contradiction ou d’incompatibilité comprend l’absence de souvenir de la déclaration.

[79]  […] [L]e procureur de l’appelant […] n’avait pas nécessairement à confronter le plaignant dans le menu détail au texte verbatim de l’enregistrement vidéo de sa déclaration antérieure ou à une transcription de celle-ci avant de pouvoir faire la preuve de la déclaration antérieure incompatible.

[80] Le contre-interrogatoire mené doit permettre au témoin de s’expliquer au sujet de la déclaration antérieure incompatible alléguée avant qu’une preuve contradictoire ne puisse être produite. L’exhaustivité requise de celui-ci se mesure à son caractère équitable et non à une méthode contraignante prédéfinie ou un passage obligé prédéterminé.

[83] Certes, il sera souvent souhaitable, utile et prudent de bien camper, d’une manière précise, la nature et la portée des déclarations incompatibles; préalable à la preuve de celles-ci et aux observations qui seront présentées au juge des faits sur les conséquences de ces incompatibilités dans l’évaluation de la crédibilité et la fiabilité du témoin. Cela dit, une fois l’exigence générale d’équité procédurale envers le témoin satisfaite, auquel on a rappelé les circonstances de temps et de lieu de sa déclaration de même que son contenu et à l’égard desquels il n’existe, comme en l’espèce, aucune confusion possible, la preuve des déclarations incompatibles peut être présentée selon les exigences établies par la Cour dans l’arrêt Mandeville.

[87] Je suis enclin à penser que le plaignant avait déjà été confronté de manière satisfaisante et d’une manière équitable à l’existence de certaines déclarations incompatibles qu’il a niées ou dont il ne se souvenait pas. Comme le révèle son jugement, c’est ce que la juge a d’ailleurs elle-même compris.

[93] Plusieurs options offertes par l’appelant étaient tout à fait raisonnables : la réouverture du contre-interrogatoire du plaignant, le visionnement de la vidéo durant la preuve de la poursuite (conformément à l’une des possibilités évoquées dans l’arrêt Mandeville), la production de la vidéo durant la preuve de la défense et aussi le rappel du plaignant durant la preuve en défense.

[100] Je souligne d’ailleurs que, même dans le cas d’une demande de réouverture d’enquête de la preuve de la poursuite, la Cour suprême [dans l’arrêt P.(M.B.)] a reconnu la primauté des droits de l’accusé : «lorsque les intérêts de l’accusé justifient la réouverture de la preuve du ministère public, le juge du procès devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en conséquence, peu importe le stade auquel sont rendues les procédures ». Cela était évidemment le cas en l’espèce.

[106] Le refus catégorique de la juge du procès a transgressé le droit de l’appelant à une défense pleine et entière et à un procès juste et équitable. […]

[110] Je propose que l’appel soit accueilli à l’égard de la déclaration de culpabilité visant le premier chef et qu’un nouveau procès soit ordonné uniquement à l’égard de ce chef.

Décision complète disponible ici

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