Acquittement en matière de stupéfiants en raison de l’illégalité de la détention et des fouilles (par palpation et accessoires à l’arrestation)

Martinbeault c. R., 2022 QCCA 902

[3] Le 4 août 2018, le requérant est intercepté par les policiers après une vérification de routine de sa plaque d’immatriculation alors qu’il conduit un véhicule automobile qui n’est pas autorisé à circuler. La preuve révèle qu’au surplus son permis de conduire est révoqué.

[4] Il s’immobilise immédiatement et remet ses papiers d’identification aux policiers. Dans le cadre de leurs vérifications, ceux-ci constatent que le requérant fait l’objet d’un mandat d’amener devant le percepteur des amendes […] en raison d’une amende impayée à la Ville de Montréal. Ils procèdent à son arrestation. L’interception ayant lieu un samedi, les policiers ne sont pas en mesure de valider le mandat et de déterminer le montant de l’amende payable. Ils ne disposent pas davantage de l’équipement requis afin de percevoir l’amende ou de faire signer au requérant un engagement à comparaître. Dans ces circonstances, ils décident de l’amener au Centre de détention de Laval afin qu’il y paie la somme due ou signe un engagement à comparaître.

[5] Avant de faire monter le requérant à l’arrière de la voiture de police, l’un des policiers procède à une fouille par palpation. Il perçoit un objet dur, de petite taille, dans la poche avant de son pantalon. Le policier glisse sa main dans la poche, d’où il retire un briquet et un sachet contenant ce qui semble être de la cocaïne. Il arrête alors le requérant pour possession simple. Après lui avoir lu ses droits, les policiers procèdent à la fouille accessoire du véhicule où ils découvrent : 2,51 g de cocaïne, 45 comprimés de méthamphétamine, 0,02 g de résine de cannabis, 58,79 g de cannabis, des sachets de plastique vides, deux balances et deux cellulaires.

[33] [S]’il n’appartient pas au judiciaire de dicter aux autorités municipales la façon dont elles doivent procéder afin de respecter les volontés du législateur, il n’en demeure pas moins que le C.p.p. prévoit qu’une personne faisant l’objet d’un mandat percepteur doit être mise en liberté sans délai. Une vérification téléphonique du mandat et un simple formulaire d’engagement à comparaître auraient permis de satisfaire à cet objectif.  Le fait que les policiers estiment n’avoir d’autre choix que de détenir le requérant entraine une violation grave de ses droits et la dénonciation d’une telle violation relève de la mission des tribunaux.

[34] Cette violation est d’autant plus importante lorsqu’elle a pour conséquence, comme c’est le cas ici, de soumettre automatiquement la personne détenue à une fouille par palpation. En effet, lors de son témoignage, le policier explique qu’avant d’asseoir le requérant dans son véhicule pour l’amener au Centre de détention, il procède par prudence, comme il le fait systématiquement, à une fouille par palpation.

[35] L’illégalité de la détention emporte celle des fouilles qui s’en sont suivies. Ces fouilles, ainsi que la seconde arrestation qui s’en est suivie, sont ici inextricablement liées à la détention initiale. Cela étant, le fait que le requérant soit assujetti à une telle fouille systématique, alors que sa présence dans le véhicule de police se justifie uniquement par l’incapacité pour les policiers de respecter les exigences du C.p.p., ajoute à la gravité de la violation initiale et favorise l’exclusion de la preuve.

[47] Les violations reprochées, qui découlent de la méconnaissance par les policiers de dispositions légales élémentaires encadrant l’exercice de leurs pouvoirs en l’espèce et de leur incapacité à mettre rapidement en liberté un citoyen faisant l’objet d’un mandat percepteur, et ce, contrairement aux exigences du Code de procédure pénale, doivent être dénoncées clairement, au risque, dans le cas contraire, qu’elles se répètent.

[48] D’autant plus qu’un mandat percepteur est susceptible d’être lancé dans une multitude de circonstances, incluant, comme c’est le cas en l’espèce, l’omission de payer une amende pour avoir promené un chien sans laisse. Tout citoyen risque de faire l’objet d’un tel mandat, que ce soit parce qu’il n’a pas reçu le constat d’infraction ou qu’il a oublié de le payer.

[49] Il apparaît contraire à une saine administration de la justice qu’une personne placée dans les mêmes circonstances que celles du requérant soit privée, pour des raisons administratives, de la possibilité de signer un engagement à comparaître et de son droit de payer l’amende et, ultimement, de sa liberté. Une personne raisonnable s’insurgerait en réalisant qu’elle s’expose à ce qu’une brève détention sur le bord de la route se transforme, dans ce contexte, en une arrestation avec transport au Centre de détention et qu’elle doive, au surplus, se soumettre une fouille par palpation. Au-delà de la perte de temps, de l’humiliation, de l’incertitude générée par cette procédure, un constat s’impose : le citoyen qui omet de payer une amende se trouverait assujetti aux mêmes inconvénients qu’une personne arrêtée pour une infraction plus sérieuse. Or, telle n’est clairement pas la volonté que le législateur a exprimée aux articles 324 et 325 C.p.p., lesquels prévoient au contraire des modalités pour assurer que la détention soit la plus courte possible. Malgré l’importance et la fiabilité des éléments saisis, la gravité des violations des droits garantis par la Charte, l’incidence de telles violations et le risque réel que de telles violations se répètent, pour des raisons d’ordre administratif au surplus, justifient d’exclure la preuve.

Décision complète disponible ici

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