Acquittement-conducteur
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Acquittement d’un conducteur ayant refusé de fournir un échantillon d’haleine avant de consulter un avocat

Drolet c. R., 2021 QCCA 1421

Acquittement-conducteur[54] […] alors que l’appelant a été informé de son droit à l’assistance d’un avocat et qu’il a clairement exprimé son intention de s’en prévaloir, les policiers poursuivent leurs démarches. L’agent Morneau lui lit l’ordre […] en vertu de l’ancien paragraphe 254(3) du Code criminel[…]

[58] Je doute que l’agent Morneau pouvait, dans le contexte où l’appelant avait demandé de consulter un avocat et qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de le faire, lui donner l’ordre de le suivre au poste afin de fournir un échantillon d’haleine. L’ordre place l’appelant dans une situation très délicate : il doit soit se rendre au poste afin de fournir un élément de preuve susceptible de l’incriminer, soit refuser d’obtempérer, ce qui peut constituer une infraction criminelle et en plus fournit une preuve admissible dont le tribunal peut, dans le cas d’une accusation impliquant la capacité de conduire, tirer une conclusion défavorable. Il devait, tout au moins, ne pas exiger que l’appelant y réponde ou ne pas enregistrer son refus avant qu’il n’ait eu l’occasion de consulter son avocat. 

[59] L’alinéa 10b) de la Charte impose l’obligation au policier de ne pas forcer la personne détenue à prendre une telle décision lourde de conséquences légales jusqu’à ce qu’elle ait eu une possibilité raisonnable d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat. Les seules exceptions sont l’urgence, des circonstances dangereuses ou un manque de diligence de la part de la personne détenue dans l’exercice de ce droit.

[60] J’écarte d’emblée la question de l’urgence. Une majorité de juges de la Cour suprême a décrété que l’existence de la présomption en matière de preuve à l’égard des échantillons d’haleine pris dans les deux heures selon l’ancien sous-alinéa 258(1)c)(ii) C.cr. ne constitue pas en soi une circonstance pressante ou urgente justifiant que les policiers continuent leur enquête, même si la personne détenue n’a pu exercer son droit à l’assistance d’un avocat. De toute façon, ils étaient à 10 ou 15 minutes du poste et rien dans le dossier ne suggère que permettre à l’appelant de contacter un avocat aurait eu pour résultat d’outrepasser ce délai. 

[61] De plus, rien dans le dossier ne suggère qu’il y avait un danger quelconque justifiant la continuation de l’enquête. L’appelant était menotté dans la voiture de police et ne représentait aucun danger.

[65] Plutôt que de lui expliquer qu’il aurait la chance de parler à un avocat une fois au poste, l’agent Morneau s’est engagé dans un débat avec l’appelant sur les conséquences de son refus d’obtempérer et a soutiré à l’appelant des éléments de preuve de nature incriminante. Bien qu’il ne l’ait pas interrogé à proprement parler, l’interaction était de nature à déclencher une réponse de la part de l’appelant avant qu’il n’ait pu obtenir les conseils d’un avocat.

[66] Somme toute, le problème dans le présent dossier […] réside […] dans celle de forcer l’appelant à s’incriminer avant d’avoir pu parler à un avocat. En conséquence, je suis d’avis que le volet de mise en application imposé par l’alinéa 10b) de la Charte n’a pas été respecté.

Décision complète disponible ici.

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