Inscription au registre national des délinquants sexuels : la Cour suprême du Canada déclare que l’art. 490.012 C.cr. et le par. 490.013(2.1) C.cr. sont inconstitutionnels 

R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38

[3] L’article 490.012 du Code criminel exige […] l’inscription de tous les délinquants reconnus coupables de l’une des 27 différentes infractions sexuelles désignées à l’al. 490.011(1)a).[…] [C]chacun de ces délinquants sexuels doit inscrire ses renseignements personnels au registre national des délinquants sexuels du Canada, quel que soit son risque de récidive. En plus des ordonnances obligatoires prévues par la LERDS, le Parlement a également exigé l’inscription à perpétuité des délinquants qui commettent plus d’une infraction, sans égard à la nature et au moment des infractions et même si elles font partie d’un seul et même événement (par. 490.013(2.1)).

[7] Même lorsqu’il agit dans un but louable, le Parlement doit malgré tout légiférer de façon constitutionnelle et se conformer à la Charte. Il ne l’a pas fait lorsqu’il a adopté l’art. 490.012 et le par. 490.013(2.1). Ces mesures portent atteinte au droit à la liberté garanti par l’art. 7 de la Charte parce que l’inscription au registre a de graves répercussions sur la liberté de circulation et la liberté de faire des choix fondamentaux de personnes qui ne présentent pas un risque accru de récidive au cours de leur vie.

[8] Comme l’inscription obligatoire des délinquants qui ne présentent pas un risque accru de récidive n’aide pas la police, elle est incompatible avec le principe de justice fondamentale interdisant la portée excessive. L’inscription obligatoire et l’inscription à perpétuité vont trop loin : il n’y a pas de lien entre, d’une part, l’assujettissement des délinquants sexuels qui ne présentent pas un risque accru de récidive à des obligations de déclaration et, d’autre part, l’objectif du Parlement de recueillir des renseignements visant à aider la police à prévenir les infractions sexuelles et à enquêter sur celles‑ci. L’inscription obligatoire à perpétuité va également trop loin et prive certaines personnes de leurs droits d’une manière qui n’a aucun rapport avec l’objectif du Parlement.

[10]  Les deux dispositions contestées souffrent donc de la même lacune sur le plan constitutionnel. Elles utilisent toutes les deux des critères catégoriques et inflexibles qui ont une trop grande portée et qui ratissent trop large. Dans la mesure où elles exigent l’inscription, parfois à perpétuité, de délinquants qui ne présentent pas de risque accru de récidive, ces dispositions menacent le droit à la liberté de ces délinquants d’une manière qui est trop large et qui viole l’art. 7 de la Charte.

[11] Elles ne sont pas non plus justifiées en vertu de l’article premier, parce qu’elles ne portent pas atteinte de façon minimale à des droits garantis par la Charte et que leurs effets préjudiciables l’emportent sur leurs effets bénéfiques. L’obligation catégorique d’inscrire sans discernement tous les délinquants sexuels désignés et l’obligation d’inscrire à perpétuité les personnes reconnues coupables de plus d’une infraction restreignent la liberté des délinquants qui ne présentent pas de risque accru de récidive sans qu’il ait été démontré que ces mesures améliorent la capacité de la police de prévenir les crimes sexuels et d’enquêter sur ceux‑ci. Bien que la Couronne affirme qu’elle estime nécessaire d’inscrire tous les délinquants pour que le registre soit aussi efficace qu’elle le souhaite, il ne suffit pas qu’elle appelle cette solution de ses vœux pour réussir à s’acquitter du fardeau qui lui incombe non simplement d’expliquer cette atteinte à la liberté, mais de la justifier. Le fait que la Couronne n’a présenté aucun élément de preuve démontrant en quoi ces dispositions aident vraiment la police à prévenir les crimes sexuels ou à enquêter sur ceux‑ci revêt une importance capitale. En fait, les rares informations contenues au dossier vont dans le sens contraire.

[12] Nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi et de déclarer l’art. 490.012 et le par. 490.013(2.1) inopérants en application du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Il convient de suspendre pour un an l’exécution de ce jugement déclaratoire en ce qui concerne l’inscription obligatoire, compte tenu des préoccupations relatives à la sécurité publique et des nombreux moyens dont dispose le Parlement pour corriger la portée excessive de cette disposition. Il y a toutefois lieu de prononcer une déclaration d’invalidité d’application immédiate en ce qui concerne l’inscription à perpétuité des délinquants reconnus coupables de plus d’une infraction.

Décision complète disponible ici

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