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Inconstitutionnalité des peines d’emprisonnement minimales pour des crimes en matière de pornographie juvénile

P.G.Q. c. Terroux, 2023 QCCA 731

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[109] Devant la Cour d’appel, les dossiers Senneville et Naud soulèvent la constitutionnalité des peines minimales stipulées pour les infractions de possession (art. 163.1(4)a) C.cr.) et d’accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1)a) C.cr.).

[132] Le juge de la peine expérimenté applique le droit correctement. Il constate aussi que beaucoup de décisions judiciaires, lesquelles sont également des scénarios raisonnables et envisagés dans les avis de contestation, ont conclu que les peines minimales reliées à l’accession et à la possession de pédopornographie étaient contraires à l’article 12 de la Charte. Il a raison.

[136] Évidemment, si, comme le fait le PGQ, on énonce comme prémisse que l’accès ou la possession d’une seule image pédopornographique est d’une gravité qui mérite une peine minimale et que « la durée des peines minimales obligatoires contestées n’est que d’un an », sous-entendant qu’il s’agit d’une peine sans véritable conséquence, la justification de la peine minimale coule de source. Je suis toutefois en désaccord avec cette vision monolithique de la réalité qui, certes facilite la décision, mais nie la complexité des situations qui se sont présentées devant les tribunaux et les réponses que celles-ci ont effectivement reçues. 

[140] L’exercice comparatif auquel se livre le juge Tremblay est, en droit, dicté par la longue tradition canadienne de déterminer des peines qui tiennent compte d’un ensemble de circonstances, dont les caractéristiques du crime lui-même, de même que de la responsabilité morale du délinquant, lesquelles tiennent notamment à son profil et aux circonstances de la perpétration du crime. Les reproches adressés au juge en lui attribuant une approche mathématique, notamment en comparant le nombre de photographies et la durée de leur possession avec d’autres affaires, sont mal fondés et inappropriés.

[141] Même si l’exercice est imparfait et qu’il n’est pas toujours déterminant, il reste que cette dimension quantitative participe à l’évaluation de la responsabilité morale d’un accusé. 

[142] La jurisprudence fait des distinctions en ce sens. Par exemple, on considère que le nombre de plants dans une culture de cannabis ou le poids total des drogues en possession d’un accusé est un élément pertinent et parfois distinctif de l’infraction. Dans l’exercice de la détermination de la peine dans le cadre d’infractions de violence familiale, on ne peut certainement pas reprocher à un juge de comparer la nature des blessures causées et la durée de la maltraitance pour mesurer le degré de responsabilité du délinquant et la gravité de l’infraction à punir. 

[143] Il en va de même avec le nombre de photographies, la nature spécifique des images qui seront, par ailleurs, toujours de la pédopornographie, la durée de leur possession ou encore le fait d’avoir en sus contribué à la dissémination de la pédopornographie. On distingue aisément, il me semble, la personne qui s’équipe de manière à rendre l’opération plus efficace, plus furtive, afin de se mettre à l’abri de la détection de l’autre personne qui accède de manière plus ouverte à la pédopornographie, poussée par une curiosité coupable, qui possède plusieurs milliers de photographies plutôt qu’une seule ou de cinq cents. Le crime demeure grave dans tous les cas, mais cela amène des distinctions pour les peines. […]

[160] À mon avis, il est démontré de manière convaincante que les peines minimales sont contraires à l’article 12 de la Charte, et ici tant en raison des appelants eux-mêmes que des cas raisonnables, ce dont notre Cour doit tenir compte pour les motifs exprimés dans l’arrêt Nur, rapportés plus haut au paragraphe [112]. 

[161] Aussi, je propose de déclarer inconstitutionnelles les peines minimales d’un an d’emprisonnement prévues pour les infractions de possession (art. 163.1(4)a) C.cr.) et d’accès à la pédopornographie (art. 163.1(4.1)a) C.cr.), car contraires à l’article 12 de la Charte et de les déclarer inopérantes.

Décision complète disponible ici  

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