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Effet prospectif de la déclaration d’invalidité de l’al. 212(1)j) C.cr. interdisant de vivre des produits du travail du sexe

R. c. Albashir, 2021 CSC 48

 

[3]  Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, la Cour a conclu que l’al. 212(1)j) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, qui interdisait de vivre des produits du travail du sexe, était inconstitutionnel pour cause de portée excessive parce qu’il criminalisait des actes dénués d’exploitation qui étaient susceptibles d’accroître la sécurité des personnes travaillant dans l’industrie du sexe. […] Cette déclaration n’est pas entrée en vigueur immédiatement, mais son effet a plutôt été suspendu pour une période d’un an. La Cour n’a pas dit explicitement si cette déclaration s’appliquerait de manière rétroactive ou purement prospective à la fin de la période de suspension.

[4] Le Parlement a édicté une mesure législative corrective avant l’expiration de la période de suspension. L’ancien al. 212(1)j) a été remplacé par une nouvelle disposition qui interdit d’obtenir un avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels, mais qui prévoit une exception pour la conduite légitime exempte d’exploitation. Le nouveau texte législatif ne renfermait aucune disposition transitoire ni aucune disposition rétroactive.

[5] Le juge du procès a conclu que les appelants étaient des proxénètes parasitaires et exploiteurs pendant la période de suspension d’un an, en contravention de l’al. 212(1)j). Des poursuites ont été intentées après l’expiration de cette période. Au procès, les appelants ont demandé avec succès l’annulation des accusations en découlant. La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a accueilli les appels interjetés par la Couronne, a annulé l’ordonnance du juge et a prononcé des déclarations de culpabilité à l’égard de chaque chef d’accusation. Les appelants demandent maintenant à notre Cour d’annuler l’ordonnance de la Cour d’appel et de rétablir l’ordonnance du juge du procès annulant les chefs d’accusation.

 

[6]  Je rejetterais les pourvois et je confirmerais les déclarations de culpabilité des appelants. La suspension prononcée dans Bedford visait à éviter la déréglementation du travail du sexe (et ainsi à maintenir la protection des personnes vulnérables qui exercent leurs activités dans cette industrie) pendant que le Parlement concevait une mesure législative de remplacement. Compte tenu de cet objectif, je conclus que la déclaration d’invalidité avait un effet purement prospectif et entrait en vigueur à la fin de la période de suspension. En conséquence, les appelants étaient responsables en vertu de l’al. 212(1)j) de leur conduite pendant la période de suspension, et ils pouvaient être accusés et déclarés coupables en application de cette disposition même après l’expiration de cette période.

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