Restitution-de-biens-saisis

Restitution de biens saisis à titre de produits de la criminalité

D.P.C.P. c. Tremblay, 2021 QCCA 1683

 

Restitution-de-biens-saisis

[2] Les intimés Alfred Tremblay et Steven Chabot sont des policiers de la Sûreté du Québec qui ont fait face à des accusations d’abus de confiance relativement aux fonctions de leur charge ainsi que de fraude et de vol à l’égard de la Sûreté du Québec et du Gouvernement du Québec. Ils ont été acquittés de tous les chefs d’accusation. […] 

[3] Parallèlement aux accusations, deux ordonnances de blocage avaient été accordées à l’égard de produits de la criminalité, le tout découlant des infractions reprochées : art. 462.33 C.cr. La première ordonnance visait différents comptes bancaires apparentant à Tremblay et sa conjointe. Une modification de cette ordonnance est survenue peu après afin de remettre entre les mains de la partie appelante un montant de 79 877 $, représentant la somme litigieuse obtenue par Tremblay. La seconde ordonnance de blocage visait des biens appartenant à Chabot et à sa conjointe, soit une automobile et un bateau avec son moteur et sa remorque, qui avaient été préalablement saisis sous l’autorité d’un mandat spécial de saisie : 462.32(1) C.cr.

[4] À la suite des acquittements prononcés le 21 octobre 2019 et de l’appel déposé le 19 novembre 2019 à l’encontre de ceux-ci par la poursuivante, les intimés ont demandé et obtenu la restitution de leurs biens : 462.43(1) C.cr.

[10] Fondamentalement, aux fins de l’appel, la partie appelante avance que l’article 462.43 C.cr. ne doit pas permettre la restitution des biens lorsqu’un appel sur l’acquittement est interjeté puisque, dans l’éventualité où la condamnation est annulée, les biens seraient nécessaires pour l’application des articles 462.37 C.cr.

[11] Personne ne conteste l’absence d’une disposition spécifique au Code criminel prévoyant la suspension d’une ordonnance de restitution à la suite d’un acquittement lorsque celui-ci est porté en appel. 

[12] En revanche, le législateur prévoit la suspension des ordonnances de confiscation ou de restitution, selon le cas, dans de nombreuses autres situations, et même, précise‑t‑il, par dérogation aux autres dispositions du Code criminel traitant des produits de la criminalité. Plus spécifiquement, l’article 462.45 prévoit la suspension de l’exécution des ordonnances de confiscation ou de restitution prononcées en vertu des dispositions précisées (soit les paragraphes 462.34(4)462.37(1) ou (2.01)462.38(2) ou 462.41(3) ou de l’article 462.43 C.cr.) lorsque l’ordonnance elle-même est portée en appel (c’est le cas en l’espèce) ou si une autre procédure de confiscation en vertu d’une loi fédérale est en cours ou encore si le droit de saisie est contesté dans une autre procédure.

[13] De plus, lorsque l’ordonnance est portée en appel, l’article 462.45 C.cr. in fine précise qu’on ne peut pas disposer des « biens confisqués dans les trente jours qui suivent une ordonnance de confiscation rendue en vertu de l’une de ces dispositions / property shall not be disposed of within thirty days after an order of forfeiture is made under any of those provisions ». […]

[14] Le législateur prévoit aussi qu’une ordonnance de confiscation (et non de restitution) prononcée au moment de la détermination de la peine, c’est-à-dire en vertu de l’article 462.37 C.cr., est suspendue pendant les délais pour porter l’affaire en appel, sauf renonciation de l’accusé à un appel, et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel ou sur la demande d’autorisation d’appel, si appel est interjeté ou si demande d’autorisation en est faite : art. 689 C.cr. 

[15] Enfin, l’article 683(5)b) C.cr. prévoit la possibilité de demander la suspension d’une ordonnance de confiscation ou de disposition de biens confisqués

[16] En somme, le législateur n’est pas silencieux sur la suspension des effets découlant des décisions sur l’exécution d’une ordonnance de blocage, de confiscation ou de restitution. Il a manifestement fait des choix, jugeant opportun de prévoir la suspension de ces ordonnances, de plein droit ou sur demande, selon les circonstances et de la manière qu’il détermine. La suspension en raison de la survenance d’un appel de l’acquittement n’est pas l’un de ces choix.

[19] L’interprétation proposée par la partie appelante suggère une suspension automatique de l’ordonnance de restitution en cas d’appel de l’acquittement. Avec égards, elle n’invite pas à un exercice d’interprétation, mais à une réécriture du Code criminel. Il appartient au législateur de revoir la loi au besoin.

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