Nouveau procès pour meurtre en raison de directives au jury complexes, longues, confuses et contradictoires

Tshilumba c. R., 2022 QCCA 1591

[146] Plusieurs facteurs ont accentué la complexité des directives : 1) leur longueur; 2) les éléments inutiles; 3) le récapitulatif de la preuve qui était à la fois trop long et mal circonscrit et 4) l’absence de directives écrites.

[147] Certes, l’exposé au jury n’a pas à être parfait, mais le juge doit clarifier et simplifier celui-ci autant que faire se peut. Comme l’expliquent les juges Bich et Hamilton dans l’arrêt Primeau, « [i]l y a donc dans la tâche qui incombe au juge un exercice d’éducation, éminemment pédagogique, qui requiert structure, clarté, cohérence et objectivité, mais aussi une certaine capacité de vulgariser sans trahir les exigences du droit ». Bref, les directives ne doivent pas être parfaites, mais appropriées aux circonstances du dossier

[149] En l’espèce, les directives étaient trop longues compte tenu du débat qui devait être circonscrit. L’exposé de la juge comportait un long développement sur l’existence de troubles mentaux chez l’appelant, le tout accompagné d’un long récapitulatif de la preuve consacrée à ce sujet. Or, de l’avis même de la juge, ce qu’elle a d’ailleurs communiqué au jury, cet élément n’était pas contesté par la poursuite. Son traitement alourdissait inutilement les directives et ne faisait qu’augmenter leur longueur et leur complexité.

[151] De plus, la juge réfère à plusieurs reprises dans ses instructions au jury au premier volet de la deuxième condition de la défense de troubles mentaux, c’est-à-dire la question de savoir si les troubles mentaux de l’appelant le privaient de la capacité de juger de la nature et de la qualité de l’acte posé. Pourtant, l’appelant ne s’appuyait pas sur le premier volet de cette défense.

[153] Au surplus, le fait que les directives ont été données oralement par la juge était de nature à rendre encore plus difficile la tâche du jury. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, la remise de directives écrites aurait certainement facilité la tâche du jury. 

[158] Un autre élément a contribué à la lourdeur et la longueur de l’exposé. Les directives de la juge comportent un long récapitulatif de la preuve, parfois sur des questions non contestées, ce qui ajoutait une couche additionnelle de difficulté, inutile à bien des égards. Rappelons que la Cour suprême réprouve les résumés de preuve trop longs et encourage la brièveté. Un résumé du témoignage de chaque témoin est presque toujours inefficace et inutile. La preuve présentée au procès doit être organisée pour le jury en fonction de sa pertinence quant aux questions qui doivent être tranchées. Sinon, le jury risque de ne pas en apprécier l’importance.

[164]   En conclusion, les directives concernant le comportement de l’appelant après l’homicide justifient à elles seules la tenue d’un nouveau procès. Leur longueur et la confusion qui en résultent également. De plus, les hypothèses avancées par la poursuite en l’absence d’un fondement de preuve indépendant en accentuent la nécessité.

Décision complète disponible ici

 ***

✨ Inscrivez-vous à ma veille juridique pour être informé des plus récentes décisions prononcées par la Cour suprême du Canada ainsi que les décisions d’intérêt pour l’avocat.e-criminaliste rendues par la Cour d’appel du Québec.

✨ Abonnez-vous à ma veille jurisprudentielle afin de recevoir bi-mensuellement les décisions rendues par la Cour suprême du Canada, les cours d’appel canadiennes ainsi que l’ensemble des tribunaux québécois en matière de crimes à caractère sexuel.

✨ Rejoignez le groupe privé Facebook Le coin du criminaliste pour connaître les décisions favorables à la défense rendues au Québec, mais également par les cours d’appel canadiennes.

✨ Consultez mon site Internet pour en apprendre davantage sur mes services de recherche et de rédaction en droit criminel.

 

A lire également