Les réponses incomplètes du juge aux questions formulées par le jury entraînent un nouveau procès

P.T. c. R., 2021 QCCA 1918

[1] Un jury présidé par l’honorable Serge Francoeur de la Cour supérieure a reconnu l’appelant coupable de neuf chefs d’accusation portant sur des infractions à caractère sexuel et d’un chef concernant une menace de mort. Les crimes auraient été commis entre 1984 et 1999 et, à l’exception du crime de menace, les deux filles de l’appelant en auraient été les victimes. Pour sa part, le crime de menace ne concerne que l’une d’entre elles.

[25] Après avoir exposé aux avocats les réponses qu’il entendait donner, le juge s’adresse aux jurés […]

[26]   Malheureusement, ces directives générales concernant le doute raisonnable ne peuvent répondre adéquatement à la préoccupation du jury en ce qu’elles ne font aucun lien avec les témoignages. L’appelant plaide pour sa part qu’il s’agissait là de l’élément essentiel de la question. La Cour estime qu’il a raison sur ce point.

[27]  Le caractère incomplet et inadéquat de la réponse donnée se révèle navrant, d’autant que les directives originales couvraient le point en reprenant presque textuellement les directives modèles du Conseil canadien de la magistrature à ce sujet. […]

[29]  En l’espèce, le juge avait exposé ses directives oralement sans en remettre une version écrite aux jurés. La probabilité que les jurés n’aient pas conservé un souvenir précis des directives originales concernant la notion de doute raisonnable en lien avec les témoignages ressort de la formulation même de la question « Serait-il possible d’avoir des éclaircissements sur le doute raisonnable en ce qui concerne les témoignages ? ».

[31] En l’espèce, compte tenu du caractère crucial des réponses que le juge doit apporter aux questions du jury, il s’avérait essentiel qu’il répète à tout le moins ces directives modèles du Conseil canadien de la magistrature qu’il avait énoncées d’entrée de jeu.

[32] La jurisprudence ne laisse place à aucun doute à ce sujet, les questions en provenance du jury revêtent une importance telle que le juge doit y répondre de façon complète et convenable. C’est ainsi que le poids des directives supplémentaires apportées à la suite de questions dépasse largement celui des directives principales. […]

[33] S’il y a une probabilité raisonnable que le jury ait pu se méprendre au sujet de la norme de preuve applicable à l’analyse des témoignages, une ordonnance de nouveau procès s’impose. C’est ce qui se produit dans le dossier à l’étude et qui motive en conséquence la conclusion à laquelle la Cour parvient.

[34] En dernier lieu, l’appelant avance au sujet de la seconde question que le juge aurait découragé le jury de lui adresser des questions additionnelles. De l’avis de la Cour, l’appelant ne décrit pas la situation de façon exacte. Le juge n’a pas découragé la formulation de questions additionnelles, mais il ne l’a pas favorisée non plus. […]

[35]  Ce dernier moyen avancé par l’appelant se révèle intimement lié au précédent. La Cour estime que, dans les circonstances, alors qu’il était lui-même incertain de la portée réelle des questions formulées par les jurés, le juge aurait dû leur demander de les préciser pour s’assurer de bien répondre à leur préoccupation au sujet du lien entre les accusations criminelles et les poursuites civiles. L’eut-t-il fait qu’il se serait ainsi donné l’occasion de corriger adéquatement le tir en permettant à ceux-ci d’éviter toute méprise quant à la norme de preuve applicable. En effet, les questions du jury donnent à croire qu’il se demandait comment évaluer l’intérêt des plaignantes.

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