L’exercice de décaviardage manifestement déficient justifie un nouveau procès

Brûlé c. R., 2021 QCCA 1334

[116] Sans véritable surprise, au cours de leur longue enquête, les policiers ont reçu des informations de plusieurs sources confidentielles. Ils ont notamment utilisé ces informations pour obtenir diverses autorisations judiciaires. Conformément au devoir de protection de l’identité des informateurs de police, ils ont caviardé sur les procédures les renseignements qui permettent d’identifier les sources. Ils ont aussi caviardé d’autres informations pour protéger d’autres types de privilèges. 

[118] En l’espèce, une personne a fourni des informations qui intéressent davantage l’appelant. Il s’agit d’une source identifiée comme la « source A ». Cette personne a notamment dévoilé aux policiers que l’appelant dirigeait une organisation criminelle de production et de trafic de méthamphétamine, ce qui aurait confirmé les soupçons préexistants de la police. L’appelant souhaitait connaître les renseignements cachés ou, à défaut, recevoir un résumé judiciaire afin d’exercer son droit à une défense pleine et entière. C’est ce qui ressort des deux requêtes en décaviardage. 

[145] Lors de l’audience, le juge demeure généralement soucieux de la situation de l’appelant. Tout en reconnaissant qu’il reçoit peu d’informations utiles, le juge explique tout aussi peu ses motifs pour maintenir le caviardage. Il est en outre totalement silencieux, tant avant qu’après l’audition, lors de sa brève décision, sur l’impossibilité de résumer les informations caviardées. C’est donc dire que même s’il avait raison de maintenir le caviardage, il a eu tort de ne pas s’attarder au résumé judiciaire. L’absence de résumé judiciaire a un impact sur la possibilité de l’appelant de se défendre et, s’il est impossible d’en préparer, les informations caviardées doivent être ignorées par le juge réviseur lorsqu’il évalue les motifs au soutien de l’autorisation judiciaire.

[146] Si le ministère public entend utiliser l’information caviardée pour soutenir les motifs raisonnables du mandat, il doit formellement l’annoncer. Il doit fournir un projet de résumé judiciaire au juge, pour révision et approbation, ou lui offrir des explications qui permettront de le rédiger. Le droit énoncé précédemment concernant l’étape 6 de la procédure Garofoli devrait être suivi dans ces circonstances. Or, ce n’est pas clair du dossier si cela était envisagé. […]

[147] La tâche du juge était donc très difficile. Je le répète, les « requêtes en décaviardage » sont avares de renseignements sur l’objectif poursuivi et le ministère public ne fait aucun effort pour aider le juge pour l’élaboration des résumés judiciaires. Le juge aurait dû exiger plus de l’appelant et du ministère public.

[149] On a donc procédé comme si tout allait de soi : des mandats autorisés sur la foi d’informations caviardées, le maintien du caviardage pour des motifs variés dont le privilège de l’informateur et les méthodes d’enquête, une audience ex parte pour rassurer le juge sur la base d’explications parfois vagues ou d’un effet mosaïque théorique menant possiblement à l’identité d’une source et, enfin, l’absence de résumé judiciaire ou d’une décision détaillée. 

[150] À mon avis, il n’y a pas lieu de revenir sur les justifications avancées pour chacune des informations caviardées. Quoique le dossier d’appel soit incomplet, il en ressort tout de même que l’exercice de décaviardage au procès est manifestement déficient et cela est suffisant pour justifier un nouveau procès. […]

Décision complète disponible ICI

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