L’emprisonnement dans la collectivité doit être sérieusement envisagé lorsque les conditions préalables sont réunies

Parent c. R., 2021 QCCA 1898

[39] À la suite des verdicts de culpabilité rendus relativement aux chefs 1, 3 et 4, le juge de la Cour supérieure a prononcé la sentence le 11 novembre 2019. L’appelant a été condamné à une peine d’emprisonnement de 2 mois pour le chef 1 [entrave à la justice], de 4 mois relativement au chef 3 [entrave à des agents de la paix dans l’exécution de leurs fonctions] et finalement de 6 mois sur le chef 4 [intimidation d’une personne associée au système de justice], le tout à être purgé concurremment. Une période de probation de 18 mois lui a aussi été imposée.

[54] […]  l’article 718.02 C.cr. invite le tribunal qui prononce une peine relativement à l’infraction d’intimidation d’une personne associée au système de justice à « apporter une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l’agissement à l’origine de l’infraction ».

[55] Cela n’exclut pas nécessairement l’application des autres principes relatifs au prononcé d’une peine juste et appropriée aux circonstances de l’affaire et à la responsabilité morale du délinquant. Il serait en fait inique d’imposer une peine qui serait hors de proportion à la seule fin de dissuader nos concitoyens de désobéir à la loi.

[58]  Le juge semble ne pas avoir considéré que l’emprisonnement avec sursis puisse s’avérer une mesure adéquate en ce qui concerne les chefs 1 et 3. L’alinéa 742.1 c) C.cr. interdit par contre l’emprisonnement avec sursis lorsque l’infraction est poursuivie par voie de mise en accusation et qu’elle est passible d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement, ce qui est d’ailleurs prévu à l’al. 423.1 (3) C.cr.

[63] Il ressort […] de l’analyse de la décision que le juge s’est limité à reconnaître que l’emprisonnement ferme était la mesure nécessaire afin de répondre aux objectifs de dissuasion et de réprobation. Il semble avoir été influencé par le fait qu’il devait répondre aux suggestions de l’art. 718.02 C.cr. en ce qui a trait à l’infraction d’intimidation d’une personne associée au système judiciaire. 

[64]  Il importe de rappeler que les tribunaux se doivent de pondérer adéquatement tous les objectifs de détermination de la peine. Les objectifs de dissuasion et dénonciation doivent être évalués selon les circonstances de chaque cas et ne peuvent, a priori, exclure un choix de peine pour la seule raison que le législateur incite à décider dans ce sens.

[68] Ainsi, le fait de ne pas envisager sérieusement la possibilité de rendre une ordonnance de sursis à l’emprisonnement lorsque les conditions préalables prévues à la loi sont réunies constitue une erreur de principe.

[69] Il ressort de la preuve que les infractions relatives à l’entrave découlent d’un événement unique, spontané, de courte durée. L’appelant n’a pas d’antécédents judiciaires et la vie ne l’a guère épargné depuis 2015. Le rapport présentenciel préparé à la demande de la Cour indique « qu’il s’agit d’un individu déterminé et doté de bonnes aptitudes intellectuelles qui a su maintenir au long cours un haut niveau de performance malgré les difficultés issues de son milieu de vie ».

[72] À la lecture du jugement, il est difficile de savoir si le risque de récidive « non négligeable » a été pris en considération tant pour la détermination de la peine que pour la manière dont elle devait être purgée. Le juge ne s’étend pas sur le sujet dans son analyse alors que, pourtant, déterminer la peine à purger et la façon dont elle le sera sont deux étapes distinctes, malgré qu’elles s’inscrivent dans une démarche analogue. 

[74] Nous sommes d’avis que le juge a commis une erreur de principe en ne considérant pas au niveau de la peine relative aux chefs 1 et 3 une alternative adéquate à l’emprisonnement. Cette erreur justifie notre intervention.

[77]  Au vu des dispositions de l’article 742.1 C.cr., l’appelant pouvait bénéficier d’un emprisonnement avec sursis relativement aux chefs 1 et 3.

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