Crainte raisonnable de partialité et renversement de la présomption d’intégrité de la juge en raison des motifs bonifiés et rendus tardivement

D.P.C.P. c. 3095-2899 Québec inc., 2021 QCCA 1222

[27] Ici, la Transcription révisée ne modifie pas le dispositif du Jugement du 27 novembre 2020 et ne vise pas non plus à corriger un élément de ce jugement, du moins explicitement. Elle détaille cependant les motifs de manière exhaustive et s’avère une version bonifiée produite après le dépôt de la requête pour permission de faire appel de l’appelant menant à s’interroger sur l’existence d’une crainte raisonnable de partialité en raison de l’apparence d’une justification a posteriori.

[28] […] les tribunaux canadiens reconnaissent, de façon générale, que les motifs additionnels qui visent de manière avouée à renforcer ou à corriger les motifs rendus antérieurement relèvent de la justification a posteriori, sauf s’ils visent la correction d’une erreur qu’on pourrait assimiler à une erreur d’inadvertance au sens de l’article 338 C.p.c.

[36]    Dans les faits, la Transcription révisée va bien au-delà de l’amplification mineure annoncée à l’audience. Les quelques paragraphes se transforment en un texte de 177 paragraphes, dont 29 paragraphes seront consacrés à un nouvel exposé de la preuve, 29 traiteront de la réévaluation de la crédibilité des experts, 19 comporteront de nouveaux motifs relatifs à l’interprétation législative, la notion de sécurité du barrage et la nécessité de calculs, 6 aborderont une nouvelle analyse comparative des articles 5 et 20 LSB, tandis que 4 paragraphes soulèveront un nouveau reproche à l’égard de la juge du procès quant à l’usage de ses connaissances personnelles et 5 seront consacrés à l’erreur qu’elle aurait commise en permettant la contre-preuve. 

[37]  Ces ajouts donnent à penser qu’ils sont formulés pour améliorer de manière substantielle et solidifier les motifs livrés le 27 novembre 2020.

[43]    Les propos qui précèdent ne doivent pas pour autant être perçus comme condamnant la pratique du jugement rendu à l’audience ou rendu oralement dans les jours qui suivent. Il est évidemment dans l’intérêt de la justice que les jugements soient rendus avec célérité et que les juges prononcent des jugements « séance tenante » lorsqu’ils sont en mesure de le faire, sans pour autant sacrifier le raisonnement ou la réflexion qui s’impose, dans le respect des droits des parties et des règles d’équité. Cela dit, le juge doit toujours être conscient du droit d’appel et par conséquent du délai applicable que les parties doivent respecter et de leur droit d’avoir en main des motifs suffisamment complets afin de rédiger les procédures d’appel, et ce, même s’il est toujours possible d’amender celles-ci. […]

[44] En l’espèce, la facture des motifs du jugement oral, lorsque comparé aux ajouts substantiels relatés précédemment, permet de douter de l’intérêt de la justice de procéder de la sorte et surtout du caractère équitable d’une telle démarche. Ces ajouts, combinés aux éléments extrinsèques relevés par l’appelant, mènent à conclure qu’il y a ici une crainte raisonnable de partialité et un renversement de la présomption d’intégrité de la juge.

[46] De l’avis de la Cour […], la situation soulève, en l’espèce, une crainte chez une personne raisonnable et bien informée que les motifs constituent une justification a posteriori. Cette crainte justifie d’écarter la Transcription révisée pour les fins de l’examen des moyens d’appel pour ne considérer à cet égard que le Jugement du 27 novembre 2020.

Décision complète disponible ici

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