La Cour suprême du Canada se prononce sur l’interprétation de l’exigence d’immédiateté prévue à l’al. 254(2)b) C.cr. (maintenant l’al. 320.27(1)b) C.cr.)

R. c. Breault, 2023 CSC 9

[1] Ce pourvoi concerne l’interprétation de l’exigence d’immédiateté contenue dans ce qui était, au moment des faits, l’al. 254(2)b) (aujourd’hui l’al. 320.27(1)b)) C.cr.). Selon cette disposition, un agent de la paix ayant des motifs raisonnables de soupçonner qu’un conducteur a de l’alcool dans son organisme peut lui ordonner de « fournir immédiatement l’échantillon d’haleine que celui ci estime nécessaire à la réalisation d’une analyse convenable » à l’aide d’un appareil de détection approuvé (« ADA »).

[2] L’exigence d’immédiateté qui découle de cette disposition possède à la fois une composante implicite et une composante explicite. Elle est « implicite en ce qui concerne l’ordre de la police de fournir un échantillon d’haleine, et explicite quant à l’obéissance obligatoire : le conducteur doit fournir “immédiatement” un échantillon d’haleine » (R. c. Woods, 2005 CSC 42, par. 14). La présente affaire porte sur cette dernière composante.

[6] Les interceptions visant la fourniture d’un échantillon d’haleine se veulent rapides. Les conducteurs ainsi interceptés sont alors en détention. La jurisprudence de notre Cour tolère que soit restreint, durant cette détention, le droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette restriction est justifiée au regard de l’article premier de la Charte, car l’al. 254(2)b) C. cr. est le fruit du compromis auquel est parvenu le Parlement entre la préservation des droits constitutionnels des conducteurs et l’intérêt du public à éradiquer la conduite avec facultés affaiblies (Woods, par. 29). L’interprétation du mot « immédiatement » d’une manière généralement fidèle à son sens courant ou ordinaire est une exigence essentielle de ce compromis.

[7] Exceptionnellement, des circonstances inhabituelles peuvent justifier d’adopter une interprétation plus souple du mot « immédiatement » que celle imposée par le sens courant ou ordinaire de ce mot (Woods, par. 43, citant R. c. Bernshaw, [1995] 1 R.C.S. 254). Toutefois, ces circonstances doivent être précisément cela : inhabituelles. Elles ne peuvent pas résulter de considérations utilitaires ou de commodité administrative. Par ailleurs, l’identification de ce qui constitue des circonstances inhabituelles doit être principalement ancrée dans le texte de l’al. 254(2)b) C. cr.

[8] La Cour d’appel du Québec se dirige bien en droit lorsqu’elle affirme que le libellé de la disposition permet une interprétation souple du mot « immédiatement » en présence de circonstances inhabituelles notamment liées à l’utilisation de l’appareil ou à la fiabilité du résultat qui sera généré, puisque le texte de l’alinéa prévoit que l’échantillon recueilli doit permettre la réalisation d’une « analyse convenable ».

[9] Il n’est pas nécessaire ni souhaitable de dresser une liste exhaustive des circonstances pouvant être qualifiées d’inhabituelles. Pour les besoins de la présente affaire, qu’il suffise de mentionner que l’absence d’ADA sur les lieux au moment de l’ordre ne constitue pas en soi une telle circonstance inhabituelle. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

Décision complète disponible ici

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