L’appréciation juridique de l’expression « parc public » dans le cadre d’une ordonnance d’interdiction prévue à l’art. 161(1)a) C.cr.

Pelletier c. R., 2024 QCCA 183

[38] […] [L]a contrainte imposée à un délinquant de ne pas se trouver dans un « parc public » s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait des personnes de moins de 14 ans (maintenant 16 ans) peut être démontrée de trois façons. 

[39]  Cette preuve peut notamment être faite par un témoin en mesure d’attester des fréquentations habituelles d’un « parc public » donné. […] 

[40] L’autre façon de faire est de recourir aux caractéristiques intrinsèques du « parc public » en cause. Plus ce lieu comportera des aménagements de nature à susciter sa fréquentation par des personnes de moins de 14 ans (maintenant 16 ans), plus s’imposera d’elle-même l’inférence selon laquelle on peut raisonnablement s’attendre à ce que des personnes de cet âge s’y trouvent. Bien entendu, le poids accordé à une preuve de cette nature relève du pouvoir d’appréciation du juge du procès.

[41] Finalement, j’estime qu’un juge pourra aussi considérer la preuve d’éléments périphériques ou extrinsèques à un « parc public » aux fins de prouver l’infraction en cause.

[42] J’entends par preuve extrinsèque tout élément qui démontre qu’un « parc public » au sens de la loi est un lieu où il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait des personnes âgées de moins de 14 (maintenant 16) ans dans ce lieu. Ainsi, et uniquement en guise d’exemples non exhaustifs, selon l’heure à laquelle le contrevenant fréquente un « parc public », la présence d’une garderie, d’une école primaire, d’une piscine ouverte au public, d’un centre communautaire ou d’un terrain de jeu situé dans l’environnement immédiat de ce lieu constitue des indices valables et légalement admissibles de nature à conduire à l’inférence selon laquelle il est raisonnable de s’attendre à ce que des personnes de moins de 14 ans (maintenant 16 ans) s’y trouvent.

[43] Cette preuve nécessite toutefois la démonstration d’un lien étroit entre le « parc public » et les éléments extrinsèques auxquels on le rattache. L’exigence d’un tel lien me semble indispensable pour ne pas ajouter indûment à la contrainte en cause.

[44] En somme, l’application de la disposition se fera, tant sur le plan qualificatif que quantitatif, en fonction des caractéristiques du « parc public » et de son environnement immédiat.

[45]  Je suis donc d’avis que le droit permet à un juge de considérer des éléments extrinsèques à un « parc public » pour décider de l’application de l’alinéa 161(1)a) C.cr. Cependant, et quitte à le redire, le poids accordé à cette preuve demeure une question d’appréciation laissée à la discrétion du juge des faits.

[47]  En l’espèce, la preuve révèle que le lieu où fut interpellé l’appelant est identifié par la Ville de Québec comme étant le « Parc Gérard-Barber ». La jurisprudence reconnaît que le fait par les autorités publiques d’identifier et de désigner un lieu comme étant un parc public constitue un indice sérieux de la destination véritable de ce lieu. 

[48] La preuve révèle aussi que le « Parc Gérard-Barber » contient des espaces de verdure, des arbustes, des arbres et des voies asphaltées pour la promenade. De plus, des bancs y sont aménagés pour permettre aux usagers de profiter d’un moment de détente et de l’agrément que procurent les lieux. Finalement, ce parc est accessible au public par des voies d’accès qui donnent sur le boulevard Masson et sur le boulevard Père-Lelièvre de la ville de Québec.

[50] Pour que l’infraction de s’être trouvé illégalement dans un « parc public » soit démontrée, outre la preuve que l’appelant se trouvait dans un tel lieu lors de l’intervention des deux agents, le poursuivant devait également établir hors de tout doute raisonnable qu’il s’y trouvait aussi des personnes âgées de moins de 14 (maintenant 16) ans, ou encore qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que des personnes âgées de moins de 14 ans (maintenant 16 ans) s’y trouvent.

[52]  Le Parc Gérard-Barber est situé dans une zone résidentielle. Dans son voisinage immédiat se trouve une école publique fréquentée par des écoliers dont certains reçoivent l’assistance d’un brigadier scolaire pour traverser la rue, ce qui permet d’inférer raisonnablement l’âge de moins de 14 ans de ces personnes. De plus, une piscine accessible au public est située à proximité.

[53]  Un tel environnement est pertinent et constitue une preuve légalement admissible pour déterminer s’il est raisonnable de s’attendre à ce que des personnes de moins de 14 ans (maintenant 16 ans) puissent se trouver dans le Parc Gérard-Barber.

[54]   De plus, les deux agents ont affirmé « [qu’i]l s’agit d’un parc […] fréquenté par des jeunes enfants, adolescents et parents ». […]

 

Décision complète disponible ici  

 ***

Abonnez-vous à ma veille jurisprudentielle afin de recevoir bi-mensuellement les décisions rendues par la Cour suprême du Canada, les cours d’appel canadiennes ainsi que l’ensemble des tribunaux québécois en matière de crimes à caractère sexuel.

✨ Inscrivez-vous à ma veille juridique pour être informé des plus récentes décisions prononcées par la Cour suprême du Canada ainsi que les décisions d’intérêt pour l’avocat.e-criminaliste rendues par la Cour d’appel du Québec.

 

A lire également