Nouveau procès pour meurtre en raison de l’inadmissibilité d’une preuve de conduite indigne 

R. c. Theus, 2022 QCCA 290

[19] L’appelant reproche au juge d’avoir admis en preuve une déclaration extrajudiciaire captée sur écoute électronique le 27 avril 2017, soit près de 11 mois après le meurtre. Il s’agit d’un extrait d’une conversation entre l’appelant et un dénommé Elvis Comoe dans lequel l’appelant déclare :

103  JJT Tes fou toi G là Arrête là C’t’un p’tit jeune là C’t’un p’tit jeune là G là Arrête là Y’était dans les couches là G là pis j’tirais du monde déjà Est-ce que tu comprends dawg? C’t’un p’tit con dawg’ Arrête là Osti d’pédé d’merde’ Y’est fou lui.  [Transcription textuelle]

[21] Le juge a considéré que la déclaration de l’appelant pouvait constituer un aveu du meurtre de M. D’Onofrio et qu’il revenait au jury d’en décider. […]

[28] Le comportement postérieur à l’infraction englobe tout ce qu’un accusé a dit ou fait après la perpétration de l’infraction. La preuve de ce comportement, comme tout autre type de preuve, est admissible si elle est pertinente à l’égard d’une question importante en litige, si elle n’est visée par aucune autre règle d’exclusion en matière de preuve et si sa valeur probante l’emporte sur ses effets préjudiciables.

[29] Par contre, la preuve d’un comportement postérieur à l’infraction peut aussi constituer une preuve d’une conduite indigne ou visant à démontrer une propension sans rapport avec le crime reproché. Elle est alors visée par une règle d’exclusion […]

[30] Rappelons également que la preuve de propension « est exclue nonobstant la règle générale voulant que tout élément de preuve pertinent soit admissible ».

[32] L’appelant a donc raison de plaider que sa déclaration à M. Comoe ne cesse pas d’être une preuve de conduite indigne, donc généralement inadmissible, du seul fait qu’elle constitue aussi une preuve de comportement postérieur à l’infraction.

[34]  En l’espèce, le juge a admis la déclaration de l’appelant en rapport avec l’identité de l’auteur de l’infraction. Il a néanmoins donné au jury une directive sur l’utilisation limitée qu’il pouvait en faire, à savoir qu’il pouvait tenir compte de cette preuve seulement s’il concluait qu’elle a une valeur probante et que l’appelant parlait implicitement du meurtre de M. D’Onofrio.

[35] C’est là où le bât blesse. Rien dans la preuve ne relie la déclaration de l’appelant au meurtre reproché, si ce n’est l’emploi du verbe « tirer » qui dénote une similitude. Comme mentionné précédemment, cette déclaration a été captée sur écoute électronique près de 11 mois après le meurtre, à l’occasion d’une autre enquête. Elle ne contient aucune référence, directe ou indirecte, aux circonstances propres à la perpétration du meurtre de M. D’Onofrio, telles que la date, le lieu, le complice Lufiau, le véhicule de fuite, l’identité de la victime, etc.

[36] Pour conclure que l’appelant parlait implicitement du meurtre de M. D’Onofrio, le jury devait forcément faire une mauvaise utilisation de cette preuve. Il ne pouvait que spéculer ou se dire que parce qu’à une époque indéterminée l’appelant tirait du monde déjà, il a vraisemblablement tiré sur M. D’Onofrio, donc il devait parler de ce meurtre. Ce sont là des inférences que le jury ne pouvait pas tirer.

[38] En l’absence d’élément de preuve étayant le fait que l’appelant parlait du meurtre de M. D’Onofrio, cette déclaration ne tend à prouver rien d’autre que la propension de l’appelant à commettre des meurtres. On l’a vu, une telle preuve de propension ou de prédisposition générale est inadmissible en raison du risque élevé de préjudice moral pour l’accusé. […]

[40] En bref, la déclaration de l’appelant, quoique postérieure à l’infraction, possède les caractéristiques d’une preuve de conduite indigne généralement inadmissible selon les principes énoncés dans R. c. Handy. Puisqu’elle ne se rapporte pas à une autre question litigieuse que la propension ou la moralité de l’appelant, elle ne satisfait pas à la première condition pour être admissible.

[55] En conclusion, je propose d’accueillir l’appel sur le deuxième moyen, d’annuler la condamnation et d’ordonner un nouveau procès.

Décision complète disponible ici

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