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Les «points de départ» lors de la détermination de la peine

R. c. Parranto, 2021 CSC 46

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[20]  […] les points de départ et les fourchettes de peines fixés par les cours d’appel sont souvent le fruit d’un consensus judiciaire sur la gravité de l’infraction, ce qui contribue à assurer la parité et à « éviter des écarts importants, marqués et substantiels » entre les peines infligées […] 

[38] […] la détermination de la peine est une démarche individualisée, et la parité joue un rôle secondaire par rapport à la proportionnalité. Il faut donc s’attendre à des écarts par rapport aux points de départ, ainsi qu’à des peines rajustées au‑dessus ou en dessous de la fourchette concernée. Même les écarts marqués ne doivent pas être considérés comme indiquant à première vue que la peine est entachée d’une erreur ou qu’elle est manifestement non indiquée. La justesse de la peine s’évalue en fonction des principes et des objectifs de la détermination de la peine prévus au Code, et non en fonction de l’ampleur de l’écart de la peine par rapport aux lignes directrices données par les cours d’appel sur le fondement d’une appréciation quantitative.

[44] Bien qu’ils ne soient pas contraignants, les fourchettes de peines et les points de départ constituent des balises utiles parce qu’ils permettent aux juges chargés de déterminer la peine d’apprécier la gravité de l’infraction. Et, comme nous l’avons déjà fait observer, ils offrent aux juges des points de repère pour amorcer leur réflexion. Lorsqu’ils utilisent ces outils, les juges doivent individualiser la peine de manière à tenir compte des deux aspects de la proportionnalité : la gravité de l’infraction et la situation personnelle du délinquant et sa culpabilité morale. À l’étape de l’individualisation de la peine, les juges chargés de déterminer la peine doivent par conséquent examiner « tous les facteurs et toutes les circonstances propres à la personne qui se trouve devant eux, y compris sa situation et son vécu » (Ipeelee, par. 75). Ces facteurs et ces circonstances peuvent fort bien justifier un rajustement significatif à la baisse ou à la hausse de la peine.

[45] Les points de départ ne dispensent pas non plus les juges chargés de déterminer la peine de tenir compte de tous les principes applicables en la matière. Les principes de la dénonciation et de la dissuasion sont généralement des objectifs intrinsèques des points de départ et sont reflétés dans les fourchettes de peines, mais [traduction] « on ne saurait permettre à ces objectifs de réduire à néant et de rendre inopérants ou inefficaces d’autres objectifs pertinents de la détermination de la peine » […] On s’attend à ce que les juges chargés de déterminer la peine tiennent compte des autres objectifs pertinents relatifs à la détermination de la peine, y compris la réinsertion sociale et la modération quant au recours à l’emprisonnement, lorsqu’ils procèdent à une analyse individualisée. […] Les juges chargés de déterminer la peine jouissent du pouvoir discrétionnaire de décider à quels objectifs il faut accorder la priorité […] et ils peuvent choisir d’attribuer plus de poids à la réinsertion sociale et à d’autres objectifs que des objectifs intrinsèques telles la dénonciation et la dissuasion. Les cours d’appel ne devraient pas perdre de vue ces principes — ni la norme de contrôle les obligeant à faire preuve de déférence — lorsqu’elles se penchent sur des peines qui s’écartent d’un point de départ ou d’une fourchette de peines.

[46] […] Les lignes directrices données par les cours d’appel en matière de détermination de la peine ne sont pas censées préjuger ou « intégrer » quelque circonstance atténuante que ce soit […] De même, puisqu’ils sont censés refléter la gravité de l’infraction — d’où la nécessité de tenir compte des principes de dissuasion et de dénonciation —, les points de départ ne devraient pas être considérés comme incorporant des principes de détermination de la peine tels que la modération dans le recours à l’emprisonnement ou la réinsertion sociale […] Lorsque les juges chargés de la détermination de la peine décident de se référer à un point de départ ou une fourchette de peines, rien ne les empêche de tenir compte de tout facteur qui est « intégré » et de le considérer comme une circonstance atténuante dans la situation en cause, de sorte que le pouvoir discrétionnaire d’examiner et de soupeser tout facteur pertinent dans leur évaluation globale de la sanction juste est conservé. Ces considérations s’accordent avec le principe suivant lequel les juges chargés de déterminer la peine doivent toujours tenir compte de l’ensemble des circonstances individuelles pertinentes pour infliger une peine juste et adaptée au délinquant qui se trouve devant eux.

[47] […] Bien qu’il n’appartienne pas à notre Cour de dicter la façon dont les cours d’appel provinciales doivent établir les fourchettes de peines et les points de départ, nous insistons sur le fait que ces outils ne s’appliquent que dans la mesure où ils portent uniquement sur la gravité de l’infraction. En limitant les points de départ et les fourchettes de peines à des considérations strictement axées sur l’infraction, ces outils continueront d’être utiles aux juges chargés de la détermination de la peine sans entraver leur pouvoir discrétionnaire et sans les empêcher d’individualiser la peine d’une manière susceptible d’entraîner l’agglutination des peines.

[83] […] Ce faisant, nous confirmons la légitimité des points de départ sur cette assise révisée comme type acceptable de lignes directrices données par les cours d’appel, à l’intérieur du cadre établi par notre Cour qui met en relief la déférence dont il convient de faire preuve envers les juges chargés de déterminer la peine dans l’accomplissement de la tâche délicate que leur a confié le Parlement (Lacasse; Friesen). Comme il est reconnu en droit que l’on peut légitimement tenir compte de la situation qui prévaut au plan local pour élaborer une peine juste, il n’est pas nécessaire de disposer d’une seule norme pour atteindre les objectifs de la détermination de la peine. Peu importe le mode de détermination de la peine choisi, les juridictions d’appel provinciales sont les mieux placées pour proposer les balises nécessaires pour assurer la cohérence du raisonnement et de la démarche.

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