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Voies de fait à l’endroit de résidents d’un centre d’hébergement

Warren c. R., 2021 QCCA 1790

 

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[2] Entre le 25 avril 2012 et le 22 mai 2015, l’appelant travaillait dans une ressource intermédiaire pour personnes en perte d’autonomie. Mis à part une courte période au début de l’année 2015, il était seul pour s’occuper de quatre à neuf résidents. Ses tâches consistaient à « veiller à leurs soins de base, la prise de leur médication, procéder aux achats de nourriture, préparer les repas et assurer leur bien-être».

[3] Il a été accusé de voies de fait simples à l’endroit de quatre résidents souffrant d’une déficience intellectuelle et inaptes à prendre soin d’eux-mêmes. Ces derniers étaient alors représentés par le Curateur public.

[18] Le juge […] se méprend lorsqu’il tient pour acquis que les résidents n’ont pas consenti à l’emploi de la force, donc que « la poursuite n’a pas à prouver un excès de force ». Dans son esprit, l’emploi de toute force par l’appelant est condamnable et la seule défense possible est celle de croyance sincère au consentement. Il analyse donc le consentement à travers le prisme des motifs raisonnables pour étayer une telle croyance, plutôt que de se demander si l’appelant a commis un excès de force.

[19] Cette démarche est erronée. Le Curateur public a consenti à la garde des résidents dans une ressource adaptée à leurs besoins ainsi qu’aux soins requis par leur état de santé. Ces soins, qu’il s’agisse de déplacer un résident de son fauteuil roulant à son lit, de le transporter, de l’assister dans ses mouvements ou de toute autre intervention, requéraient l’emploi intentionnel d’une certaine force qui, sans le consentement du résident, constituerait des voies de fait en raison de la définition large qui figure au paragraphe 265(1) C.cr. En pareilles circonstances, la défense de consentement implicite peut trouver application.

[21] Contrairement à la défense de croyance sincère au consentement, qui consiste en une dénégation de la mens rea, celle de consentement implicite équivaut à nier l’actus reus de l’infraction de voies de fait.

[23]  […] Le droit criminel doit protéger les personnes inaptes contre toute atteinte injustifiée à leur intégrité et à leur dignité. D’un autre côté, les personnes qui prennent soin d’une personne inapte sur la foi d’un consentement substitué (c.-à-d. donné par le représentant, le conjoint, un proche parent ou toute autre personne démontrant un intérêt particulier pour la personne inapte) doivent pouvoir employer la force nécessaire à cette fin sans crainte d’être accusées de voies de fait. Il est donc dans l’intérêt public de reconnaître que le consentement aux soins, qu’il soit donné par la personne elle-même ou par son substitut, implique le consentement à l’emploi de la force nécessaire à ces soins.

[24] Ce consentement implicite comporte toutefois deux exigences : (1) la force doit être employée pour prodiguer des soins, entendus selon le contexte, et (2) la force ne doit pas être excessive. […]

[26] Le juge commet donc une erreur de droit en analysant la question du consentement strictement au regard de la défense de croyance sincère au consentement. Vu le consentement implicite des résidents à l’emploi d’une certaine force, il s’agit plutôt de savoir si la force a été employée dans le but de leur prodiguer des soins, entendus ici au sens large, et si elle a été excessive, selon la nature et la qualité des actes commis par l’appelant.

[34] L’erreur du juge dans l’analyse de la question du consentement n’est donc pas sans conséquence et la Cour n’est pas convaincue qu’il n’existe aucune « possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur ». En ce cas, comme l’enseigne l’arrêt R. c. Sarrazin, « le droit devrait suivre son cours et aboutir à la tenue d’un nouveau procès ».

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