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Nouveau procès pour une éducatrice en garderie reconnue coupable de voies de fait ayant causé des lésions corporelles sur un bébé

Pelletier Boissonneault c. R., 2021 QCCA 1601

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[1] Le 31 janvier 2019, à l’issue d’un procès présidé par l’honorable Manon Lavoie, un jury déclare l’appelante coupable de voies de fait ayant causé des lésions corporelles sur un bébé de 11 mois. […]

[8] Le 3 novembre 2016, vers 6 h, l’appelante est arrêtée et conduite au Quartier général de la Sûreté du Québec où elle sera interrogée de 8 h 18 à 17 h 42 par la sergente Gamache […] En fin de journée, l’appelante déclare que, le 28 septembre, elle a « couché fort » le bébé dans son parc, alors que tous les bébés pleuraient en même temps. […]

[14] […] Il n’est pas utile ou nécessaire de nous prononcer sur tous les moyens, car l’un d’eux emporte clairement le sort de l’appel et exige la tenue d’un nouveau procès.

[15] Il s’agit de l’admission en preuve d’un ouï-dire lors du témoignage du père de la victime, K… B…, que la poursuite a vraisemblablement fait témoigner pour l’exclure comme possible auteur des voies de fait (théorie de l’opportunité exclusive). […]

[16] Il faut préciser que K… B… est aussi l’associé de Sébastien Asselin, le conjoint de l’appelante. Ce dernier n’a pas témoigné au procès. 

[17] K… B… témoigne des trois appels reçus de Sébastien Asselin durant la journée de l’interrogatoire policier de l’appelante, le 3 novembre 2016. Il rapporte ses paroles, sans qu’aucune objection ne soit formulée par la défense et sans que la juge intervienne : […]

 « R :  […] Et le soir, vers 18h30, il m’a appelé pour me dire qu’Élizabeth, elle venait d’avouer qu’elle avait déposé fortement notre garçon dans la couchette et puis à la fin, il s’est excusé. »

[18] Comme l’appelante n’a pas fait d’aveu à K… B…, ces paroles constituent du ouï-dire. Il s’agit d’une preuve inadmissible, malgré l’absence d’objection.

[19] La juge n’est pas intervenue non plus pour veiller à ce que seule une preuve admissible soit prise en compte.

[21] Rappelons que la défense de l’appelante était fondée sur le fait que sa confession était constituée de faux aveux. Une fois la déclaration vidéo admise, il appartenait aux jurés de décider de sa valeur probante et de décider s’ils croyaient l’appelante lorsqu’elle affirmait ne pas avoir posé le geste qu’elle a admis lors de son interrogatoire vidéo : « avoir couché l’enfant fort » tout en mimant le geste.

[22] Le jury sait que l’appelante a été accusée et détenue dès la fin de l’interrogatoire du 3 novembre 2016. Il sait aussi qu’elle a pu parler à sa mère immédiatement après l’interrogatoire. Dans tous les cas, il est bien possible que le jury ait compris que l’appelante a aussi parlé à son conjoint ou encore, que sa mère a répété à son conjoint que l’appelante lui a admis être passée aux aveux et qu’il s’excusait pour ce motif, ayant lui-même soupçonné le père de l’enfant. La preuve hors jury nous indique aussi que l’enquêteur Stéphane Bolduc a avisé le conjoint de l’appelante, qui était au poste de police, à 17 h 50, que celle-ci demeurait détenue et allait comparaître le lendemain.

[23] Dans tous les cas de figure, cette preuve constitue au mieux du triple ouï-dire. Cette preuve est non seulement inadmissible, elle est très préjudiciable, dans le contexte où l’appelante témoigne des circonstances pour lesquelles elle a fait de faux aveux. Elle est d’autant plus préjudiciable que l’appel téléphonique a été fait de façon concomitante à la fin de l’interrogatoire policier de l’appelante.

[29] Dans ce contexte, la juge aurait dû intervenir pour ne pas permettre la preuve ou encore mettre le jury en garde, très spécifiquement, sur le fait qu’il ne devait pas tenir compte de cette partie du témoignage de K… B… et qu’il ne pouvait en conclure que l’appelante avait admis à sa mère et/ou à son conjoint qu’elle était passée aux aveux et que le père de l’enfant en avait été informé sur-le-champ.

[30] Dans le contexte où la poursuite utilise cette preuve en plaidoirie et considérant que les paroles et les excuses rapportées seraient survenues de façon concomitante avec la déclaration de l’appelante, cette preuve est très préjudiciable. Elle vient certainement miner la crédibilité de l’appelante de façon probablement irrémédiable, si les jurés ont déduit qu’elle a répété ses aveux à sa mère ou à son conjoint. Cela risque fort d’avoir scellé le sort de l’affaire. L’erreur de droit n’est donc pas négligeable ou inoffensive.

Décision complète disponible ici.

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