Le devoir d’enquête des policiers à propos d’éléments de preuve pertinents et déterminants

Dulude c. R., 2022 QCCA 1096

[34] […] les policiers ne peuvent pas adopter un comportement, sciemment, par négligence ou par ignorance, qui les prémunit contre une allégation de violation à un droit constitutionnel lorsqu’ils doivent, en vertu du droit, adopter un comportement différent et respectueux de leurs obligations et des droits constitutionnels reconnus.

[35] Par exemple, l’auteur Murray D. Segal écrit que les policiers ne peuvent se fermer les yeux à l’égard d’une preuve disculpatoire : Murray D. Segal Disclosure and Production in Criminal Cases, § 3:1, Release No. 1, January 2022, en ligne). J’ajoute, sans trahir les principes fondamentaux en cause, que cela est vrai à l’égard de tout élément de preuve clairement pertinent, inculpatoire ou disculpatoire. 

[36] Je veux préciser que rien dans mes motifs ne doit être interprété comme imposant une obligation de résultat aux policiers. La loi, le droit et la société s’en remettent cependant à eux pour jeter tout l’éclairage possible sur les crimes et ils doivent prendre les moyens raisonnables pour parvenir à cette fin.

[39] […] il est incontestable que, parmi les devoirs fondamentaux des policiers, figure celui de mener des enquêtes sur les crimes : Loi sur la police, RLRQ c. P-13.1, art. 48. Ce devoir d’enquête, je le suggère, se définit entre autres avec l’évolution des moyens technologiques, lesquels deviennent accessibles à la consommation de masse et ne requièrent aucune expertise poussée pour les comprendre et les manipuler.

[40] Il est également incontestable que ce devoir s’accompagne d’une « obligation de diligence envers le suspect sous enquête […] compatible avec les valeurs et l’esprit qui sous-tendent la Charte, compte tenu de l’importance que celle-ci accorde à la liberté et à l’équité procédurale » : Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, 2007 CSC 41, par. 38.

[41] Ce devoir de diligence s’inscrit dans l’obligation constitutionnelle de l’État, c’est-à-dire de la police et de la poursuite, non seulement de produire une preuve pertinente pour découvrir la vérité, mais de la communiquer à la personne accusée.

[42] L’étape de l’enquête criminelle est cruciale pour la suite des choses. Des erreurs dans les enquêtes « sont susceptibles d’avoir de graves conséquences.  Une personne innocente peut, à cause d’une négligence de la police, faire l’objet d’une enquête, d’une arrestation, puis d’un emprisonnement. » : Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, 2007 CSC 41, par. 1.

[64] À mon avis, au XXIe siècle, un policier raisonnable connaît généralement l’importance des caméras de surveillance privée dans les enquêtes, de leurs limites (angles, qualité d’images, etc.) et que les images captées ne sont pas conservées à perpétuité, mais selon un calendrier variable, pertinent de connaître. Avec égards pour l’opinion contraire, cette preuve menait en soi à la conclusion inéluctable, en l’absence d’une explication sérieuse, que les policiers avaient failli à leur devoir de récupérer la preuve pertinente le plus rapidement possible afin de la conserver.

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