Informations transmises illégalement à la GRC par un inspecteur de Postes Canada : la Cour d’appel confirme l’exclusion de la preuve en vertu des articles 8 et 24(2) de la Charte canadienne

Informations transmises illégalement à la GRC par un inspecteur de Postes Canada : la Cour d’appel confirme l’exclusion de la preuve en vertu des articles 8 et 24(2) de la Charte canadienne

R. c. McClish, 2024 QCCA 1612 | Le ministère public porte en appel un jugement (2023 QCCQ 6541) qui acquitte l’intimé de diverses infractions en lien avec les armes à feu en raison de la violation de ses droits constitutionnels. Cette affaire met en cause les initiatives d’un inspecteur de Postes Canada qui communique à la police fédérale des renseignements confidentiels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Un mandat général est ensuite obtenu, puis d’autres mandats de perquisition.
Pour la Cour d’appel, aucun des moyens proposés par le ministère public n’autorise son intervention. Le juge n’a pas erré en déterminant que M. McClish possède une attente raisonnable en matière de respect de sa vie privée relativement aux renseignements en cause. Dans la mesure où cette attente raisonnable existe, le juge était justifié d’exclure la preuve suivant l’analyse prévue par le paragraphe 24(2) de la Charte.

Interprétation de l’art. 516(1) C.cr. concernant l’ajournement d’une enquête sur remise en liberté pendant une période maximale de trois jours francs
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Interprétation de l’art. 516(1) C.cr. concernant l’ajournement d’une enquête sur remise en liberté pendant une période maximale de trois jours francs

Lévesque c. R., 2024 QCCA 1570 | Un ajournement des procédures de mise en liberté provisoire par voie judiciaire de plus de trois jours francs en vertu de l’art. 516(1) C.cr. ne peut être accordé, sans le consentement du prévenu, à moins que le poursuivant établisse une « juste cause » au sens de l’art. 11e) Ch.can.
Un évènement imprévu peut constituer une « juste cause », notamment une situation météorologique particulière, une pandémie, un incendie, une menace à la sécurité ou la maladie ponctuelle du juge, d’un procureur ou d’un témoin clé. À l’inverse, un évènement prévisible ou qui aurait pu être facilement évité avec des mesures appropriées prises en temps opportun ne saurait être considéré comme étant une « juste cause ».

Interception routière aléatoire : la Cour d’appel du Québec déclare inopérant l’article 636 du Code de la sécurité routière

Interception routière aléatoire : la Cour d’appel du Québec déclare inopérant l’article 636 du Code de la sécurité routière

Procureur général du Québec c. Luamba, 2024 QCCA 1387 | La Cour d’appel du Québec estime que l’art. 636 du Code de la sécurité routière (ci-après « C.s.r. ») autorisant les interceptions routières aléatoires entraîne le profilage racial. Cette règle de droit viole les art. 9 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après « Ch. can. ») et ne peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique au sens de l’article premier.
La réparation appropriée est une déclaration d’invalidité fondée sur le par. 52 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 dont la prise d’effet est suspendue pour une durée de six mois, sauf en ce qui concerne les dossiers en cours dans lesquels l’art. 636 C.s.r. est contesté.

La peine d’emprisonnement minimale pour le crime de communication en vue de l’obtention de services sexuels contre rétribution d’une personne âgée de moins de 18 ans prévue à l’al. 286.1(2)a) C.cr. est déclarée inconstitutionnelle
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La peine d’emprisonnement minimale pour le crime de communication en vue de l’obtention de services sexuels contre rétribution d’une personne âgée de moins de 18 ans prévue à l’al. 286.1(2)a) C.cr. est déclarée inconstitutionnelle

Denis c. R., 2024 QCCA 647 – L’appréciation des scénarios hypothétique par la Cour d’appel du Québec mène à la conclusion que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement pour le crime de communication en vue de l’obtention de services sexuels contre rétribution d’une personne âgée de moins de 18 ans est contraire à l’art. 12 de la Charte canadienne. Cette peine prévue à l’al. 286.1(2)a) C.cr. est déclarée inconstitutionnelle et inopérante conformément au par. 52(1) de la Charte canadienne.

Nouveau procès pour un accusé déclaré coupable d’agression sexuelle puisqu’il n’a pas été informé de son droit d’être jugé dans la langue officielle de son choix
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Nouveau procès pour un accusé déclaré coupable d’agression sexuelle puisqu’il n’a pas été informé de son droit d’être jugé dans la langue officielle de son choix

R. c. Tayo Tompouba, 2024 CSC 16 – La Cour suprême du Canada précise le cadre d’analyse applicable lorsqu’un accusé fait appel de sa déclaration de culpabilité en soulevant un manquement à l’obligation du juge de veiller à ce qu’il soit avisé, conformément à l’art. 530 C.cr., de son droit de subir un procès dans la langue officielle de son choix, alors qu’aucune décision n’a été prise en première instance sur ses droits linguistiques.

Le cadre d’analyse est le suivant : la simple démonstration d’un manquement à l’art. 530 C. cr. suffit afin de permettre à une cour d’appel d’intervenir en vertu de l’art. 686(1)a)(ii) C. cr. Il s’agit d’une erreur de droit qui fait naître une présomption de violation du droit fondamental de l’accusé de subir son procès dans la langue officielle de son choix. Cette présomption peut ensuite être réfutée par le ministère public à l’étape de l’analyse relative à la disposition réparatrice prévue à l’art. 686(1)b)(iv) C.cr.

En l’espèce, la Cour suprême du Canada est d’avis d’accueillir l’appel de M. Tayo Tompouba, d’annuler sa condamnation sur le chef d’agression sexuelle au terme d’un procès en anglais et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès en français.

Une adresse IP suscite une attente raisonnable au respect de la vie privée au sens de l’art. 8 de la Charte canadienne

Une adresse IP suscite une attente raisonnable au respect de la vie privée au sens de l’art. 8 de la Charte canadienne

R. c. Bykovets, 2024 CSC 6 – Informée que des opérations frauduleuses en ligne sont effectuées par l’entremise de deux adresses IP, la police obtient des mandats l’autorisant à perquisitionner dans les résidences liées à ces adresses. M. Bykovets est arrêté et accusé de 33 infractions relatives à la possession et à l’utilisation de cartes de crédit et de pièces d’identité appartenant à des tiers. Au procès, la juge de première instance rejette sa prétention selon laquelle les droits qui lui sont garantis à l’art. 8 de la Charte canadienne ont été violés, estimant qu’il n’est pas objectivement raisonnable de reconnaître une attente subjective au respect de la vie privée à l’égard d’une adresse IP. M. Bykovets est déclaré coupable de 13 des 33 chefs d’accusation portés contre lui.
La Cour suprême du Canada est d’avis contraire : il existe une attente raisonnable au respect de la vie privée à l’égard d’une adresse IP, de sorte qu’une demande faite par l’État afin d’obtenir une telle information constitue une fouille au sens de l’art. 8 de la Charte canadienne. Les déclarations de culpabilité sont annulées et la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

Les violations « consécutives » et le cadre d’analyse du par. 24(2) de la Charte canadienne

Les violations « consécutives » et le cadre d’analyse du par. 24(2) de la Charte canadienne

R. c. Zacharias, 2023 CSC 30 – L’appelant, M Zacharias, fait l’objet d’une interception routière. Après l’indication positive donnée par un chien renifleur concernant la présence de drogues dans son véhicule, la police fouille le véhicule et saisit plus de 100 livres de marijuana. La juge du procès conclut que la police viole les droits de l’appelant garantis par les art. 8 et 9 de la Charte en effectuant une fouille à l’aide du chien renifleur et une détention aux fins d’enquête.
Pour la Cour suprême, les arrestations qui ont suivi violent également la Charte. L’État ne peut pas se fonder sur des éléments de preuve obtenus illégalement afin de satisfaire à la condition requise pour qu’il y ait arrestation, soit la présence de motifs raisonnables et probables. Elle est cependant d’avis que ces violations consécutives additionnelles n’ajoutent pas à la gravité de la conduite de l’État et qu’il n’y a donc pas lieu d’écarter les éléments de preuve en vertu du par. 24(2).

Réouverture d’enquête au stade de la peine afin de déterminer l’aptitude du délinquant
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Réouverture d’enquête au stade de la peine afin de déterminer l’aptitude du délinquant

Côté c. R., 2023 QCCA 988 – Lorsque la question de l’aptitude d’un délinquant se pose au stade de la peine, les art. 721 et 723(3) C.cr. permet de requérir un rapport comportant un volet sur l’état de santé mentale du délinquant afin de déterminer l’aptitude de ce dernier à recevoir sa peine.

Si cette évaluation psychiatrique conclut à l’inaptitude du délinquant au stade de la détermination de la peine, la seule solution envisageable est la suspension de l’instance.

Inconstitutionnalité des peines d’emprisonnement minimales pour des crimes en matière de pornographie juvénile
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Inconstitutionnalité des peines d’emprisonnement minimales pour des crimes en matière de pornographie juvénile

Procureur général du Québec c. Terroux, 2023 QCCA 731 – Les juges Martin Vauclair et Frédéric Bachand (le juge Simon Ruel étant dissident) estiment que les peines d’emprisonnement minimales d’un an prévue aux articles 163.1(4)a) et 163.1(4.1)a) C.cr. sont incompatibles avec l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et inopérantes en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La Cour suprême du Canada ordonne l’arrêt des procédures en raison de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable

La Cour suprême du Canada ordonne l’arrêt des procédures en raison de la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable

R. c. Hanan, 2023 CSC 12 / La Cour suprême du Canada écarte les déclarations de culpabilité (homicide involontaire coupable, décharge d’une arme à feu dans l’intention de blesser ainsi que possession sans permis d’une arme à feu à autorisation restreinte chargée) et ordonne l’arrêt des procédures. Le délai net d’environ 35 mois est déraisonnable et contraire à l’al. 11b) de la Charte canadienne.

Le délai excédant le plafond est dû non pas à un manque de temps empêchant les parties et le système de s’adapter, mais plutôt au refus de la Couronne de consentir à la tenue d’un procès devant juge seul, et ce, malgré l’avertissement quant aux conséquences possibles du délai et le fait que l’arrêt Jordan ait été rendu près de deux ans et demi auparavant.

Par ailleurs, lorsqu’un avocat de la défense refuse une date de procès proposée par le tribunal, il n’existe pas de règle absolue suivant laquelle tout délai qui s’écoule, jusqu’à la première date disponible, doit être qualifié de délai imputable à la défense.