L’immunité des bons samaritains sur les lieux d’une surdose – qui ne peuvent être accusés ni déclarés coupables – s’étend à l’arrestation
R. c. Wilson, 2025 CSC 32

Le par. 4.1(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances accorde une immunité aux bons samaritains qui appellent les secours ou demeurent sur les lieux d’une surdose. Ces personnes ne peuvent être accusées ni déclarées coupables de possession de drogues lorsque la preuve découle de leur présence ou de leur intervention lors de la surdose. Cette immunité s’applique également à l’arrestation.
En l’espèce, M. Wilson bénéficie de cette immunité lorsqu’il est arrêté pour possession de stupéfiants. Son arrestation constitue une atteinte grave à l’art. 9 de la Charte, qui le protège contre la détention ou l’arrestation arbitraire. Puisque cette arrestation est illégale, la fouille qui s’ensuit, au cours de laquelle les policiers découvrent des éléments de preuve concernant d’autres crimes, notamment des infractions liées aux armes à feu, est elle aussi illégale et viole l’art. 8 de la Charte. En conséquence, les éléments de preuve ainsi obtenus sont écartés en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.
« [38] Notre Cour a maintes fois reconnu que les arrestations et les fouilles ou perquisitions accessoires à l’arrestation constituent foncièrement une atteinte grave à la liberté personnelle et à l’autonomie d’un individu. Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Fleming c. Ontario, 2019 CSC 45, « il existe peu d’actions policières qui portent davantage atteinte à la liberté d’un individu qu’une arrestation — une action qui restreint complètement la capacité d’une personne de se déplacer dans l’espace public, sans coercition de l’État » (par. 65).
[39] Les fouilles accessoires à une arrestation sont aussi intrinsèquement envahissantes et peuvent être effectuées de façon très intrusive, comme les fouilles à nu […], les fouilles de téléphones cellulaires […] ou les fouilles effectuées au domicile d’une personne, notamment dans les espaces qui sont hors du contrôle physique de la personne arrêtée […].
[…]
[58] L’arrestation n’est pas un pouvoir qui peut être exercé à la légère. Il s’agit d’une privation grave de liberté personnelle. Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2019 CSC 59, « [d]ans une société libre et démocratique, personne ne devrait accepter — ni s’attendre à subir — les ingérences injustifiées de l’État. Les atteintes à la liberté de mouvement, tout comme celles à la vie privée, ne doivent pas être banalisées » […].
[59] L’arrestation constitue en outre un exercice très précis des pouvoirs policiers, lequel donne lieu à d’autres pouvoirs policiers, plus particulièrement la fouille ou perquisition accessoire à l’arrestation. En ce sens, l’arrestation se distingue des autres pouvoirs que peuvent exercer les policiers, par exemple la détention aux fins d’enquête […] ou le pouvoir général de détention si celle‑ci est raisonnablement nécessaire […]. Bien que des détentions plus limitées puissent donner lieu à leurs propres pouvoirs de fouille, ces pouvoirs ont une portée et un caractère envahissant beaucoup plus circonscrits que la fouille ou perquisition accessoire à l’arrestation.
[…]
[67] Le public a toujours intérêt à ce que les drogues et les armes à feu soient retirées de la rue, surtout près d’une école. Cependant, nos règles de droit criminel ont soigneusement circonscrit la portée et les conditions d’exercice du pouvoir des policiers d’agir dans l’intérêt public, et en particulier les pouvoirs d’arrestation et de fouille, compte tenu du fait que l’élargissement de ces pouvoirs présente un risque pour les libertés civiles […]
[68] Les pouvoirs d’arrestation et de fouille touchent aux importants droits individuels au respect de la vie privée et à la protection contre la détention arbitraire que garantissent les art. 8 et 9 de la Charte. Les pouvoirs policiers doivent être exercés légalement et dans le respect des droits garantis par la Charte de tous, y compris les personnes qui ont appelé les secours d’urgence. […]
[…]
[71] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que, par implication nécessaire, le par. 4.1(2) de la LRCDAS confère non seulement l’immunité contre une accusation et une déclaration de culpabilité pour possession simple, mais aussi l’immunité contre une arrestation relativement à cette accusation. Le but du Parlement étant de sauver des vies, il a créé une immunité afin d’inciter ceux qui sont présents sur les lieux d’une surdose à appeler les services d’urgence lorsque des vies sont en danger. Au moyen de l’immunité contre une accusation et une déclaration de culpabilité pour possession simple, le Parlement entendait créer une exception à l’exercice du pouvoir d’arrestation des policiers pour cette infraction. Il a reconnu que les personnes les plus susceptibles d’appeler les secours d’urgence dans des situations de surdose potentiellement mortelle sont souvent elles‑mêmes consommatrices de drogue : les bons samaritains ne sont pas tous respectueux de la loi. »
Décision complète disponible ici
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