Le tribunal doit considérer sérieusement l’emprisonnement avec sursis – au nom du principe de la modération – même si le délinquant n’en fait pas la demande
Joly c. R., 2024 QCCA 1151

« [18] […] Les policiers en examinent sommairement le contenu sur place et y découvrent des photographies qu’ils considèrent être de la pornographie juvénile. L’analyse ultérieure permet de dénombrer 966 photos de pornographie juvénile copiées sur deux des supports informatiques faisant partie du lot. […]
[…]
[114] Ceci m’amène à une dernière erreur pouvant ici justifier l’intervention de la Cour : à aucun moment la juge ne considère la possibilité d’imposer l’emprisonnement avec sursis. Il est vrai, comme le rappelle l’intimé, que la défense n’a pas demandé ou suggéré l’emprisonnement avec sursis, se limitant à plaider en faveur d’une absolution conditionnelle. Ceci permet peut-être d’expliquer cela, mais ce ne peut être une justification de ne pas le faire.
[115] On sait que depuis R. c. Proulx, 2000 CSC 5, le tribunal se doit de considérer sérieusement l’emprisonnement avec sursis lorsque certains critères sont satisfaits […]
[…]
[120] Dans les circonstances, on peut affirmer que le premier préalable de l’art. 742.1 C.cr. est satisfait, en ce que la sécurité du public n’est pas en cause, qu’il n’y a pas de preuve de risque de récidive et que l’emprisonnement avec sursis permet de respecter les objectifs de détermination de la peine. Il va de soi que les deux autres préalables sont tout autant satisfaits, alors que les autres règles d’exclusion ne s’appliquent pas.
[…]
[124] Il va de soi qu’il faut lire globalement un jugement. En revanche, la lecture de la sentence prononcée par la juge de première instance ne permet pas de conclure qu’elle a, d’une manière ou d’une autre, considéré sérieusement l’emprisonnement avec sursis. […] [M]ême si la juge indique qu’il n’y a pas possibilité de peine moins contraignante que la privation de liberté en raison des objectifs de dénonciation et de dissuasion, cela n’exclut en rien l’emprisonnement avec sursis qui est une peine privative de liberté et, qui plus est, répond à ces deux objectifs.
[125] J’accepte la proposition que la possession de pornographie juvénile nécessite généralement l’emprisonnement, mais il existe des cas où cet emprisonnement peut être purgé dans la collectivité. J’estime que le présent dossier en est un.
[126] L’appelant est âgé de 50 ans. Il a commis l’infraction il y a près de 15 ans. Il est sans antécédents judiciaires, a respecté ses conditions de mise en liberté pendant toutes les procédures (7 ans) et a une conjointe depuis 30 ans. Il a également un emploi et un mode de vie sans reproche. Il est un actif pour la société, sans démonstration de risque de récidive. Il est vrai que l’infraction est grave et je ne tente aucunement d’en diminuer la gravité. Cela ne justifie toutefois pas le refus d’ordonner un emprisonnement avec sursis. Même les infractions graves peuvent être punies de la sorte si elles ne mettent pas en péril la sécurité de la collectivité et je suis d’avis que les circonstances mènent à une peine d’emprisonnement avec sursis.
[…]
[128] Comme je l’ai écrit précédemment, je suis d’avis qu’une année de détention était excessive et manifestement non indiquée. J’estime toutefois qu’une peine d’emprisonnement avec sursis devrait être de cette durée. »
Décision complète disponible ici
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