leurre-enfant

Inconstitutionnalité de la peine minimale de six mois d’emprisonnement pour l’infraction de leurre d’enfant

R. c. H.V., 2022 QCCA 16

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[40] Ayant décidé que quatre mois étaient la peine appropriée, plutôt que les six mois obligatoires prévus dans le Code criminel, la juge conclut […] que la différence entre les deux n’est pas suffisante pour justifier de déclarer inopérante la peine minimale obligatoire.

[41] Vu que la période d’incarcération minimale de six mois est de 33% plus longue que celle que la juge croyait appropriée en l’espèce, elle aurait pu à ce stade-ci déclarer son accord avec le juge de la Cour du Québec et invalider la peine minimale. Par contre, l’appréciation de ce qui est ou n’est pas une peine exagérément disproportionnée ou « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine » exige la déférence.

[42] La juge passe ainsi à la seconde étape de l’analyse aux termes des arrêts Lloyd et Nur, se demandant ainsi si la peine minimale de six mois est exagérément disproportionnée par rapport à des cas hypothétiques raisonnables.

[47] […] La Cour suprême dans Friesen rejette la théorie qu’il existerait une « hiérarchie des actes physiques » en matière d’agressions sexuelles et invite ainsi les cours à plutôt regarder le tort causé à la victime. Bien que nous reconnaissions le tort inhérent que comprend l’infraction sexuelle et que nous condamnions fortement ces actes, il n’y a pas, en l’espèce, de preuve particularisée du tort causé à la victime.

[52] Vu le jugement dans Bertrand Marchand, la possibilité qu’un contrevenant soit obligé de recevoir une peine de six mois lorsque l’infraction est poursuivie par procédure sommaire alors qu’un autre contrevenant peut recevoir une sentence moindre lorsque celui-ci est poursuivi par acte criminel pourrait mener potentiellement à des situations injustes et incohérentes. Les appelants prétendent qu’un tel argument s’applique uniquement dans le scénario inverse où la peine minimale applicable à la poursuite par acte criminel est sous examen à la suite d’un précédent qui déclare la peine minimale sommaire invalide.

[53] Les appelants n’ont pas raison. Devant la déclaration d’invalidité de l’art. 172(2)(a) C.cr. dans Bertrand Marchand, l’intimé est sujet à une peine plancher de six mois, alors qu’il n’existe plus de tel plancher lorsque l’infraction est poursuivie par acte criminel. Même si le mode de poursuite relève de la discrétion du ministère public, cet état de fait heurte notre idée de la cohérence eu égard aux principes d’harmonisation et individualisation des peines. Il peut aussi donner lieu à des conséquences collatérales n’ayant rien à voir avec les circonstances de la commission d’infraction, par exemple, les droits d’un accusé de porter en appel une ordonnance d’expulsion, en contexte d’immigration, rendue à la suite d’une déclaration de culpabilité.

[54] Les appelants ne plaident pas que la peine minimale obligatoire en l’espèce est sauvegardée par l’article premier de la Charte. De toute manière, nous sommes d’accord avec l’analyse de la Cour supérieure à cet égard.

[55] En l’absence d’erreur révisable, il n’y a aucune raison d’intervenir.

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