Absolution conditionnelle accordée en matière d’agression sexuelle

R. c. Simard, 2025 QCCA 1062

Dans le cadre de la détermination de la peine, il est erroné de considérer tous les cas d’agression sexuelle comme ayant la même gravité subjective. Ainsi, afin d’individualiser la peine et de la rendre proportionnelle, il est primordial de tenir compte des faits précis de l’infraction commise.

En l’espèce, l’accusé, en couple depuis quelques mois avec la plaignante avec qui il entretient habituellement des relations sexuelles consensuelles, procède à des attouchements sur ses cuisses, ses fesses et ses seins, par-dessus ses vêtements et à quelques reprises, alors qu’ils sont couchés ensemble. Il interrompt ses gestes dès qu’elle exprime son refus.

Pour la Cour d’appel du Québec, l’infraction reprochée implique des gestes sexuels de moindre gravité et mérite une peine se situant dans la partie inférieure de la fourchette des sentences imposées en matière d’agression sexuelle. Elle infirme la peine de 8 mois d’emprisonnement dans la collectivité et accorde plutôt une absolution conditionnelle assortie d’une probation de 3 ans avec un suivi probatoire de 18 mois.

[14] Une absolution n’est pas une « mesure d’exception ». La Cour a déjà confirmé que lorsque les circonstances s’y prêtent, un juge peut prononcer une absolution dans des affaires mettant en cause des infractions de nature grave, y compris des voies de fait par étranglement, des agressions armées, des voies de fait causant des lésions corporelles à l’égard d’un partenaire intime ou des agressions sexuelles.  

[…]

[24] Certes, l’appelant a été reconnu coupable d’agression sexuelle, un crime objectivement grave, passible d’une peine maximale de 10 ans. Cependant, c’est une erreur de traiter tous les cas d’agression sexuelle comme ayant la même gravité subjective sans considérer les faits particuliers de l’infraction en cause. L’article 718.1 C.cr. énonce le principe fondamental de la détermination de la peine, soit la proportionnalité. […]

[25] Afin d’individualiser la peine, et de la rendre proportionnelle, il est donc primordial de considérer les faits précis de l’infraction commise. En l’espèce, le juge devait tenir compte du contexte de l’infraction, sans pour autant diminuer ni banaliser la gravité d’une agression sexuelle. […]

[26] Or, la conclusion du juge voulant qu’une absolution nuirait à l’intérêt public repose sur une description de la gravité des agressions sexuelles en général, qui cadre difficilement avec l’infraction précise commise en l’espèce. […] 

[…]

[35] […] [U]ne absolution conditionnelle dans le cas présent ne nuirait pas à l’intérêt public. Pour en décider ainsi, la Cour tient compte de la gravité subjective de l’infraction. L’appelant, dans le but d’avoir des relations sexuelles avec la personne avec laquelle il entretenait habituellement de telles relations consensuelles, a touché la victime à différentes reprises par-dessus ses vêtements, alors qu’ils étaient couchés dans le même lit. Compte tenu des circonstances, la Cour estime que l’infraction en l’espèce implique des gestes sexuels de moindre gravité et qu’elle mérite une peine se situant dans la partie inférieure de la fourchette des peines d’agression sexuelle. À cet égard, il convient également de noter que dès que la victime se réveillait, lorsqu’elle n’était pas intéressée, elle retirait la main de l’appelant, ce qui mettait fin aux attouchements.

[36] Cela étant dit, des gestes répétés – comme ceux en l’espèce – par opposition à un incident isolé, ne favorisent généralement pas l’absolution. Toutefois, il faut tenir compte des circonstances qui ont mené à l’infraction. L’appelant reconnaît que ses actes étaient fondés sur une mauvaise compréhension de la notion de consentement. […]

[…]

[38] La méconnaissance par l’appelant de la notion de consentement ne diminue en rien sa responsabilité légale – il a, après tout, été reconnu coupable. Toutefois, elle réduit sa responsabilité morale dans les faits de l’espèce vu notamment l’introspection qui en a suivi. 

[39] La Cour doit également tenir compte des effets de l’infraction sur la victime. Il ne fait aucun doute, comme elle l’explique, que ces attouchements ont affecté son sentiment de sécurité, sa confiance et sa perception de soi. Toutefois, il faut également tenir compte du fait qu’elle a vécu plusieurs épisodes de violence physique et sexuelle dans le passé et que ces expériences ont laissé des séquelles importantes chez elle. La Cour partage l’avis du juge selon lequel les gestes de l’appelant ont contribué à la « perpétuation » des séquelles de la victime, mais elles ne sont pas à l’origine de toutes les séquelles dont elle souffre.

[…] 

[41] La Cour estime que du point de vue d’une personne raisonnable et bien informée du fonctionnement du système judiciaire et du contexte dans lequel l’infraction a été commise, y compris le profil du contrevenant et celui de la victime, une absolution conditionnelle dans la présente affaire ne porterait pas atteinte à la confiance du public dans l’administration de la justice et ne serait pas contraire à l’intérêt public.

 

Décision complète disponible ici  

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