Nouveau procès en raison de l’admission erronée d’une déclaration extrajudiciaire fondée sur l’exception raisonnée à la règle d’exclusion du ouï-dire
R. c. Charles, 2024 CSC 29
M. Charles est déclaré coupable de voies de fait armées, d’utilisation d’une fausse arme à feu et d’avoir proféré des menaces. Lors du procès, un témoin de la poursuite refuse de collaborer. Le juge de première instance permet à la Couronne de produire en preuve la déclaration extrajudiciaire du témoin faite aux enquêteurs en se fondant sur l’exception raisonnée à la règle d’exclusion du ouï-dire.
À la majorité, la Cour d’appel du Québec confirme cette décision (2022 QCCA 1013).
Étant d’avis que la déclaration extrajudiciaire n’atteint pas le seuil de fiabilité requis pour être admise en preuve, la Cour suprême du Canada annule les condamnations et elle ordonne la tenue d’un nouveau procès. Elle réaffirme par la même occasion les enseignements de l’arrêt Bradshaw au sujet de l’exception raisonnée à la règle d’exclusion du ouï-dire :
« [45] […] En vertu de l’exception raisonnée, « le ouï-dire peut exceptionnellement être admis en preuve lorsque la partie qui le produit démontre que le double critère de la nécessité et du seuil de fiabilité est respecté selon la prépondérance des probabilités ». Pour démontrer que le seuil de fiabilité d’une déclaration est atteint, une partie peut établir sa fiabilité d’ordre procédural ou sa fiabilité substantielle.
[46] La fiabilité d’ordre procédural est établie lorsqu’il existe d’autres façons adéquates de vérifier la véracité et l’exactitude de la déclaration « compte tenu du fait que le déclarant n’a pas témoigné “sous serment devant le tribunal, tout en [subissant] un contre-interrogatoire minutieux” ». Les juges des faits doivent avoir « une base satisfaisante pour apprécier rationnellement la véracité et l’exactitude de la déclaration relatée ». Les substituts aux garanties traditionnelles incluent « notamment un enregistrement vidéo de la déclaration, l’existence d’un serment et un avertissement au sujet des conséquences liées au fait de mentir ». Habituellement, une certaine forme de contre-interrogatoire du déclarant, comme son témoignage à l’enquête préliminaire, est nécessaire.
[47] La fiabilité substantielle est établie lorsque la déclaration est intrinsèquement fiable. Pour déterminer si c’est le cas, les juges présidant les procès peuvent considérer les circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite ainsi que la preuve qui la corrobore ou la contredit. La norme est élevée. Cela dit, il n’est pas nécessaire d’établir la fiabilité de manière absolument certaine. Les juges doivent plutôt être convaincus que la déclaration est « si fiable qu’il aurait été peu ou pas utile de contre-interroger le déclarant au moment précis où il s’est exprimé ». Autrement dit, la preuve doit être « suffisamment fiable pour écarter les dangers que comporte la difficulté de la vérifier ».
[…]
[49] […] [P]our déterminer si une « preuve corroborante est utile lors de l’examen de la fiabilité substantielle », le juge du procès devrait :
- cerner les aspects importants de la déclaration relatée qui sont présentés pour établir la véracité de leur contenu;
- cerner les dangers spécifiques du ouï-dire que posent ces aspects de la déclaration dans les circonstances particulières de l’affaire;
- en fonction des circonstances et de ces dangers, envisager d’autres explications de la déclaration, qui peuvent même être conjecturales;
- décider si, compte tenu des circonstances de l’affaire, la preuve corroborante présentée au voir-dire a écarté ces autres explications, de sorte que la seule explication plausible de la déclaration est la véracité du déclarant au sujet de ses aspects importants, ou l’exactitude de ces aspects. »
[Références omises]
Décision complète disponible ici
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